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Christine Pellistrandi, Job l’insoumis, Éditions du Cerf, 27/02/2025, 208 pages, 20€

Diplômée d’histoire et professeure d’écriture sainte, Christine Pellistrandi a l’art de nous familiariser avec les principaux personnages bibliques pour en extraire une compréhension contemporaine.
C’était patent avec Moi, Procla, femme de Ponce Pilate, récemment recensé dans ces colonnes, et ça l’est tout autant avec Job l’insoumis son dernier opus.
Une méditation différente dans sa structure toutefois, puisqu’en lieu et place d’un récit à la première personne pour Procla, l’autrice a choisi cette fois de l’élaborer sous forme d’une pièce de théâtre à plusieurs intervenants comme elle l’exprime en préambule.

Jadis étudiants ensemble, Jean, le physicien, Philippe, psychanalyste, Emmanuelle professeur de littérature et Mathilde, apprentie théologienne, se sont ainsi retrouvés bien des décennies plus tard pour mettre en commun leurs diverses expériences face au mystère de la révélation.

L’espace d’un long week-end de trois jours dans le cadre d’une abbaye bénédictine, la gageure était manifeste. Et force est de reconnaître, qu’elle est amplement réussie. Surtout lorsqu’elle concerne une figure comme Job, l’une des plus complexes à décrypter parmi celles de l’Ancien Testament.
Il était une fois, au pays de Outs en Chaldée, un homme immensément riche… débute l’autrice pour souligner la spécificité de ce personnage vivant au cœur du croissant le plus fertile du monde, dans une contrée idyllique bordée par le Tigre et l’Euphrate.

Complot à la cour céleste

Si l’on ajoute à cela, la fortune d’un immense troupeau de moutons, chameaux et bœufs et le bonheur d’un clan familial suscité par la présence de six fils et trois filles, on ne peut que s’extasier devant un tel décor.
Décor au sein duquel, le héros, Job, homme droit et intègre, s’efforçant de convenir à la volonté de Dieu, parachève pleinement l’entourage. Longtemps, rien ne viendra troubler ce délicieux environnement, jusqu’à ce qu’un rouage ne s’installe.
Ce que l’autrice intitule Complot à la cour céleste, dans le premier chapitre et dont elle donne un avant-goût.

Entrons donc par l’imagination dans un autre univers, celui de la cour céleste qui habite dans l’au-delà des nuages. Nulle description n’est proposée ; en revanche les voix d’un dialogue inhabituel entre Dieu et Satan se font entendre comme autrefois dans le jardin d’Éden où Dieu aimait se promener au souffle du jour pour retrouver Adam et Ève.

Les éléments du livre biblique ainsi établis, les questions des différents intervenants vont dès lors se multiplier, accentuant le bien-fondé de l’ouvrage. Telles les remarques successives de Philippe, Jean ou Mathilde, évoquant tour à tour surprise ou affirmation.
– Comment peut-on laisser dire que Satan participait à la cour céleste et qu’il puisse se trouver face à Dieu ?
– Tu oublies que Dieu a créé l’homme libre ! Il a pris le risque de placer le feu de l’illimitée liberté divine dans le terrestre.
– Irais-tu jusqu’à dire que l’homme pourrait être Satan ?
– Oui, il peut se cacher dans le cœur de l’homme libre…

Un débat des plus passionnants

Du Tribunal au Doute, en passant par le Malentendu, conçus comme autant de chapitres inhérents aux divers versets du livre de Job, les différents comparses vont confronter leurs points de vue à la façon d’un groupe de prière méditant sur l’Évangile du dimanche.
Un débat aussi vif que sincère qui n’est pas sans répercussion parmi la cohorte d’ami(e)s, comme souligné par la rédactrice.

Hier nous avons effleuré le problème de Dieu dans l’histoire. Pourquoi le drame de Job est-il décrit avec tant de réalisme et de force au point d’ébranler le lecteur et de lui faire partager l’énigme d’un Dieu au comportement incompréhensible ?

Reste cependant que, comme évoquée dans le chapitre de La profession de foi, l’attitude de Job demeure exemplaire.
Bien que confronté au silence et à l’ignorance des raisons de son procès, celui-ci proclame, malgré tout, sa foi en un Dieu bon qui ne peut pas vouloir la souffrance et la mort d’une créature qu’il a modelée de ses mains et qu’il a aimée.
Telle est élaborée comme une pièce de théâtre, l’essence de ce conte tragique dont Christine Pellistrandi assume brillamment la réalisation.
Notamment par la conclusion de l’enseignement qu’elle tire dans son épilogue.

Nous voici allégés du poids de ces interrogations qui étaient celles de Job. Il nous a forcés à élargir notre horizon, au-delà du cadre de notre vie quotidienne. Il nous fait rejoindre les justes solitaires qui, au cours des siècles, sont restés fidèles quand tout s’effondrait autour d’eux. Stature attirante et effrayante, il est posté en attente du Juste par excellence, le Christ qui donne sa vie en pardonnant et en intercédant pour ceux qui ne savent pas ce qu’ils font.

Assurément, une prégnante oraison de ce Job l’insoumis.

Image de Chroniqueur : Michel Bolasell

Chroniqueur : Michel Bolasell

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