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Jean-Pierre Andrevon, Le cinéma de Frankenstein. La Créature et son Créateur à travers les âges et les films, Éditions Lettmotif, 200 pages.  03/07/2024, 36€.

L’histoire de Frankenstein ou le Prométhée moderne est née par une belle nuit de 1816 de l’imagination de Mary Shelley âgée seulement de 18 ans alors que Lord Byron écrit de son côté Le Vampire, une histoire d’épouvante reprise par John Polidori. Le Dr Frankenstein se prenant pour Dieu enfante un monstre avec des morceaux de cadavres mais la Créature se révolte contre son Créateur. Frankenstein publié en 1818 enfante aussitôt un mythe. Le cinéma s’empare du monstre en 1910 et n’en démord plus, ne cessant d’innover. Jean-Pierre Andrevon, écrivain de SF et fantastique, critique littéraire et de cinéma, dissèque La Créature et son Créateur à travers les âges et les films et les décline à tous les genres : horrifique, parodique, comique, érotique, animé…

Et la Créature fut !

Tout commence en 1910 avec Frankenstein, CM de 16 mn d’Edison, avec une Créature monstrueuse, “géant échevelé, vêtu de serpillières et aux doigts crochus de loup-garou”. Mais c’est James Whale qui immortalise en 1931 le monstre avec Frankenstein. Boris Karloff, alors âgé de 44 ans et fort de quelque 70 films, devient le plus grand acteur fantastique de tous les temps. Le maquillage de Jack Pierce, un visage carré et crayeux avec des pustules en boulons, la photo langienne, magnifique N & B aux contrastes expressionnistes, y sont pour beaucoup, mais le jeu de l’acteur est si expressif que le monstre vole la vedette au docteur – Colin Clive en Frankenstein – restant longtemps synonyme de Frankenstein. En 1935, La fiancée de Frankenstein de James Whale voit Esla Lanchester – inoubliable Créature à la chevelure à la Néfertiti zébrée d’un éclair électrique – promise au Monstre et non à Frankenstein (toujours pauvre Colin Clive). S’ensuit Le fils de Frankenstein en 1939 de Rowland V. Lee, derechef avec Boris Karloff en Créature et, ironie du sort, avec Bela Lugosi en Ygor et Basil Rathbone, en savant fou comme son père.

Des monstres et des monstresses pour Frankenstein et sa Créature

La Créature ne va cesser de faire d’improbables rencontres. Dans Frankentein rencontre le Loup-Garou (1943) de Roy William Neill, les deux monstres (Bela Lugosi et Lon Chanet Jr) se font soigner par le Dr Manering. Dans La maison de Frankenstein (1944) d’Érie C. Kenton, le Dr Niemann (Boris Karloff) s’échappe de prison et Dracula (John Carradine) reprend vie avec la Créature (Glenn Strange) et le loup-garou (Lon Chaney Jr). Dans La fille de Frankenstein (1958) de Richard E. Cunha, Oliver Frank (abrégé de Frankenstein), le petit-fils du Dr Frankenstein, crée une monstresse. Mais le maquillage ne suit pas et la malheureuse fille est vraiment affreuse. Frankenstein rencontre des E.T. chauves aux oreilles à la Spock dans le flash-gordien Frankenstein Meets the Space Monster (1965) de Robert Gaffney.

Goût d'Hammer avec Terence Fisher et mort de rire avec Mel Brooks

Engagé par la Hammer, Terence Fisher renouvelle le cinéma d’horreur avec Frankenstein s’est échappé (1957) au titre trompeur avec Peter Cushing en Frankenstein et Christopher Lee en Créature qui n’apparait qu’au bout d’une heure mais séduit en monstre humanisé. Dans La revanche de Frankenstein (1958), le baron Frankenstein, Peter Cushing, écrase par sa présence la Créature (Michael Gwynn). Viennent Frankenstein créa la femme (1967), Le retour de Frankenstein (1969) et Frankenstein et le monstre de l’enfer (1974). Les chefs-d’oeuvre ont leur parodie et Frankenstein Junior (1974) de Mel Brooks revisite avec humour la trilogie originelle. Il faut citer Gene Wilder en Frankenstein (prononcer Frankestine), Marty Feldman en Igor (prononcer Aïgor)(qui roule des yeux et vole la vedette à son maître), Peter Boyle en Monstre, Cloris Leachman en Frau Blücher (dont le nom fait hennir) et Gene Hackman en Aveugle).

Frankenstein amateur de chair bien fraîche et crue

Frankenstein (ou sa Créature) prend vite gout à l’amour. Dans La vie sexuelle de Frankenstein (1964) de Peter Perry, le docteur Breedlove (Orloff en VF) crée des femmes robot pour satisfaire un E.T. a.mateur de plaisirs terrestres. Chair pour Frankenstein (1973) produit par Andy Warhol est un délire total de Paul Morissey et Antonio Margheriti avec un Frankenstein qui a épousé sa soeur, veut créer une race aryenne avec deux Créatures mâle et femelle, et s’accouple à une femelle non encore amenée à la vie. Jes(u)s Franco – cocktail de Jésus et de Franco – enfante Dracula prisonnier de Frankenstein (1972) où le docteur Seward allié au loup-garou tue Dracula ressuscité par Frankenstein qui veut créer une race de morts-vivants, et Les expériences érotiques de Frankenstein (1973, La fille de Frankenstein) où Frankenstein affronte Cagliostro, un sorcier qui lui vole sa Créature, et meurt ; sa fille Véra, alliée au docteur Seward, le ranime et affronte le sorcier. Dans Lust for Frankenstein (1998), Moira Frankenstein découvre Goddess, la Créature féminine de son père, et lui trouve des jeunes filles.

Les Frankenstein les plus fous s’enchaînent sans fin : Frankenweenie (1984) de Tim Burton, Frankenstein General Hospital (1988) de Deborah Roberts, Frankenhooker (1990) de Frank Henenlotter, Frankenstein (2004) de Marcus Nispel, Frankenstein Reborn (2005) de Leigh Scott, Frankenstein, Day of The Beast (2011) de Ricardo Islas, Docteur Frankenstein (2014) de Paul McGuigan, Frankenstein (2015) de Creep Creepersin. La liste n’en finit pas et l’auteur nous fait voyager avec érudition à travers des versions égyptiennes (Ismail Yassin Meets Frankenstein), japonaises (Frankenstein Conquers The World), mexicaines (El castillo de los monstros), turques (Sevimli Frankenstayn). Frankenstein et sa Créature ont beau mourir, ils ressuscitent toujours. Le Frankenstein de Guillermo del Toro à venir devrait nous faire frémir et lire le Frankenstein de J.-P. Andrevon – illustré de quelque 50 photos et photogrammes en couleur – nous fera patienter.

Image de Chroniqueur : Albert Montagne

Chroniqueur : Albert Montagne

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