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Dans le prologue explicitant la raison d’être de sa “Divine bibliothèque”, Juan Manuel de Prada nous en livre les critères essentiels. “Pas une littérature catholique faite de solutions claires, de triomphes et d’apothéoses, sans ténèbres ni conflits”. Mais plutôt une recension d’existences chrétiennes troubles et dramatiques, “parce que c’est en éclairant le combat faisant rage dans l’obscurité du cœur humain que l’on peut pleinement accéder à la miséricorde divine.”
Une liberté de ton manifeste qui, associée à la découverte de certains auteurs méconnus, contribue à l’agrément d’ensemble suscité par ce florilège des grands acteurs de la littérature chrétienne.
Vingt-six au total, dont quelques-uns cités à deux reprises comme Léon Bloy et Gustave Thibon, avec cependant, de notre point de vue, quelques absents d’importance tels que Mauriac, Cesbron, Michel del Castillo et autres Julien Green qui avaient pourtant en commun la même trame d’une pâte humaine en quête de rédemption.
Reste que, telle quelle, tant par son éclectisme comme par sa diversité historique, cette anthologie n’en reste pas moins attrayante. À commencer par le premier des référencés, l’auteur de Don Quichotte, dont le titre du chapitre est corrélé à une question : “Cervantès était-il catholique ?”
Une interrogation dont l’auteur ne ménagera guère le suspense, car si le grand écrivain espagnol n’est à ses yeux, “désinvolte, ni grenouille de bénitier”, il demeure un chrétien sincère qui fait implorer quotidiennement Dieu par son héros, “en le priant de lui ouvrir les yeux de l’intelligence et de lui permettre de savoir comment s’en servir” (II, 54).
Bien différent est le cas du célèbre pasteur anglican, John Henry Newman. Si son unique roman “Callista” tranche singulièrement avec ses écrits théologiques, Juan Manuel de Prada, entend lui accorder toute son importance. Notamment, lorsqu’il évoque le cheminement progressif de la raison, s’accommodant aux intuitions de la conscience pure.

Adorer un Être qui ne nous parle pas plus qu’il ne nous connaît ou ne nous aime, n’est pas une religion. Ce peut-être un devoir, ce peut être un mérite, mais son idée instinctive de la religion était la réponse de l’âme à un Dieu qui s’était occupé de cette âme. Ce devait être un échange d’amour ou ce n’était qu’un nom.

Relève-t-il dans “Callista”.
Si les premiers chapitres de l’ouvrage font ainsi référence à des auteurs notoires, d’autres en revanche, sont moins connus, voire ignorés du grand public.

Tel est le cas du Lituanien Henryk Sienkiewecz avec son “Quo Vadis” décrivant le crépuscule de la civilisation romaine et le martyre des premiers chrétiens ; comme de l’anglais Frederick William Rolfe qui fera de son “Hadrien VII” un plaidoyer visant à rendre sa liberté à l’Église en la dépouillant de son pouvoir temporel.
De Chesterton à Charles Williams en passant par Clive Staples Lewis ou encore Evelyn Waugh, Juan Manuel de Prada semble avoir une affection particulière pour les romanciers d’Outre-Manche et nous en fait découvrir les pépites.
Celles de “La guerre du Graal” par exemple ou du “Nommé Jeudi”, relatant l’avenir salvifique d’une humanité délivrée du joug de la vertu et du vice, voire du “Cher disparu” d’Evelyn Vaugh, prophétie perspicace d’un destin humain déraciné de Dieu et livré à de ridicules superstitions.
C’est toujours dans ce volet découverte que l’on aborde ensuite la personnalité du Japonais Shûsaku Endô, dont l’ouvrage “Silence” retraçant l’histoire d’un jésuite portugais lors des sanglantes persécutions chrétiennes du XVI° siècle est considérée comme un pur chef-d’œuvre.
Autant de trouvailles inédites susceptibles d’élargir les voies classiques de l’intériorité dont le point d’orgue, à nos yeux, est celle consacrée à Ernest Hello.
Un ermite breton “convaincu de n’avoir de comptes à rendre qu’à Dieu”, porté au pinacle par le curé d’Ars et qui exerça une prégnante influence auprès de nombreux aînés. Maître à penser de Léon Bloy, comme il le fut de Bernanos auxquels Juan Manuel de Prada consacre deux beaux chapitres, cet apologiste et journaliste catholique se résume tout entier dans “L’Homme”. Un homme qui réfute sans fard le monde moderne, quêtant l’amour divin de façon obstinée et qui tient la tiédeur en horreur.

La haine qui crie est bien plus explicable, étant donné le péché originel, que la haine qui se tait. Mais ce qui me plonge dans une stupéfaction absolument inexplicable, c’est la neutralité…

Écrivait en effet Ernest Hello.

Du Bernanos dans le texte, assurément, qui, ajouté au reste des vingt-six auteurs ainsi mis en exergue, fait de cet ouvrage une véritable bibliothèque chrétienne idéale !

Michel BOLASELL
articles@marenostrum.pm

Prada, Juan Manuel de, “La divine bibliothèque : introduction aux grands œuvres de la littérature chrétienne”, traduit de l’espagnol par Hortense de Fautereau Parscau, Magnificat, 27/08/2021, 1 vol. (190 p.), 14,90€

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Juan Manuel de la Prada

Juan Manuel de Prada : grand romancier espagnol et écrivain à succès, habituellement édité aux éditions du Seuil. Il a reçu de nombreux prix littéraires, notamment le prix “Planeta” pour son roman La Tempête. Il est un contributeur fidèle de la revue Magnificat en Espagne.

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