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Pascal Cyr & Sophie Muffat, La guerre d’Indépendance américaine, Passés composés, 07/10/2022, 1 vol. (510 p.), 25€.

Rares sont les peuples qui accèdent à leur indépendance en toute quiétude, au terme d’une concertation menée avec une diplomatie pacifiste. En général, la confrontation prend le dessus, ne laissant que peu de place à ceux qui croient, en toute naïveté, pouvoir arriver à leurs fins au son des violons et des grands discours. Les États-Unis d’Amérique n’échappent pas à cette règle malheureuse qui entre dans les livres d’histoire par le mot fatidique : guerre.
Pour les nombreux amateurs de l’histoire des U.S.A., et plus particulièrement de la période de l’indépendance, celle-ci se résume à une date : le 4 juillet, à un film :  “Les Patriotes” de Mel Gibson et à deux personnages emblématiques du conflit : Washington et Lafayette. Ce n’est déjà pas si mal ! Heureusement, Pascal Cyr et Sophie Muffat, éminents historiens spécialistes des États-Unis, signent conjointement un ouvrage très travaillé se lisant comme un roman. Ils nous dirigent à travers les méandres d’une société qui nous est inconnue – quoi qu’on en dise – et qui s’est forgée en un laps de temps relativement court, une identité propre et originale.
Installés depuis plus de deux siècles sur les rives atlantiques de l’Amérique, les colons dépendent de l’empire britannique. Celui-ci, cherchant à affermir sa suprématie mondiale, presse d’impôts et de taxes de plus en plus lourds les habitants de ce qu’on nommera plus tard les treize Colonies. Le mécontentement gagne la contrée sans pour autant provoquer de ruptures car les uns et les autres ont d’autres chats à fouetter : les Indiens principalement mais également les Canadiens de langue française et les émigrés venus de toute l’Europe en quête de liberté religieuse, d’aventures et d’une vie meilleure.
D’incidents variés en humiliations diverses, la situation s’envenime au point que, en plusieurs endroits, le sang commence à couler. Las, les représentants des treize Colonies se réunissent et proclament leur indépendance le 4 juillet 1776 à Philadelphie. Cependant, cet acte, en théorie très simple, va connaître des contraintes inhérentes à ce modèle de démocratie moderne dont se targuent ceux que les Britanniques nomment les “Rebelles”.
Alors que la Perfide Albion fourbit ses armes et recrute à tour de bras des mercenaires, pour la plupart Allemands, afin d’étoffer ses troupes en Amérique, les “Insurgents” font face à un casse-tête militaire des plus compliqué. En effet, les rebelles ne disposent d’aucune armée et sont dépourvus de chefs expérimentés. De plus, les soldats britanniques sont bien implantés et peuvent compter sur des cadres ayant connu le feu lors de la guerre du Canada et celle de sept ans. À ceux-ci s’ajoute une quantité non négligeable de colons fidèles à la Couronne : les “Loyalistes”.

Tandis que les troupes de Sa Majesté voguent vers les colonies, un Français réunit quelques amis et, épris de grand large et de liberté, obtient du roi de France l’autorisation de se joindre aux Continentaux. Cet homme, dont le nom sera bientôt connu de tous les Américains, c’est Lafayette. Lorsqu’il arrive à Boston, la situation des rebelles est inextricable. Chaque état de la colonie fournit des troupes, inégales en quantité comme en qualité. Ces miliciens et autres minutemen, jaloux de leur appartenance à telle ou telle famille influente, rechignent à obéir à un seul chef.
Les indépendantistes, accrochés à plusieurs reprises par les troupes britanniques, subissent de nombreuses défaites lors de duels de rencontre. Il paraît évident de confier la tête de l’armée en formation à un seul homme. Celui-ci se distingue rapidement par son poids politique, sa position sociale et son sens inné du commandement. Il se nomme Georges Washington. Heureusement entouré de subordonnés capables, auxquels s’est adjoint Lafayette, il compose avec les états furieusement jaloux de leurs prérogatives et de leurs modes de vie. En effet, rien n’est plus différent d’un habitant de la Caroline du sud que son confrère du Massachusetts.
Les troupes loyalistes reçoivent entretemps les renforts de « Hessois », nom donné aux mercenaires allemands de la Couronne. Les grandes batailles se profilent mais les combattants manquent toujours. Des Américains, ayant terminé leur temps réglementaire à l’armée, rentrent chez eux pour les semailles. Le front, si tant est qu’il y en ait un, s’étend sur des centaines de kilomètres. Partout, lors des escarmouches, les Anglais et les Loyalistes en sortent vainqueurs. Les belligérants font appel aux autochtones, ces Indiens qui revendiquent à juste titre leur terre et à qui on fait miroiter mille merveilles en cas de victoire. Certains choisiront un parti, d’autres la bande adverse. À la fin, il sera toujours temps de ne pas respecter la parole donnée.

Dans ce contexte anarchique, fait de massacres inutiles et de mises en coupe réglée, certains états en viennent même aux mains, revendiquant une portion de territoire intéressante en vue d’une fin de conflit inéluctable. Peu à peu, Washington, pragmatique et Lafayette, entretemps promu général de l’armée fédérale, entament une longue et difficile remontée tactique. L’incompréhensible attitude américaine – pour les Européens – trouve son paroxysme dans l’épisode désastreux de la tentative de conquête du Canada. Après quelques menus succès, les Américains sont renvoyés chez eux à coups de pied au derrière.
Washington se concentre à présent sur un seul objectif : chasser Messieurs les Anglais des colonies. Pour cela, il faut une bataille décisive. Heureusement, Louis XVI a fini par accepter de faire la nique à l’ennemi héréditaire et envoie cette fois-ci un fort contingent aguerri aux ordres du général Rochambeau. Ce militaire, très expérimenté, ayant un vrai ascendant sur ses troupes d’élite, va mettre en pratique ce pour quoi il a été formé. Accueilli en Sauveur par les Américains, il impose à l’état-major rebelle son point de vue et dirige les combattants à la recherche d’une victoire déterminante, sur un terrain voulu par lui. Le 19 octobre 1781, dans la plaine de Virginie, à Yorktown, une armée composée de onze mille Français et de huit mille Américains bat les troupes du général Cornwallis et renverse de manière définitive le rapport de force. Cette bataille a été gagnée par les Français et non par les Américains, contrairement à ce que l’Histoire veut bien indiquer. Cet épisode serait peut-être à rappeler à tous les porteurs de la bannière étoilée qui nous rabâchent leur rôle de libérateurs lors du débarquement de Normandie !

La lutte va malgré tout s’éterniser jusqu’en 1783, date à laquelle les Britanniques renonceront à leurs anciennes colonies. Commencera alors le parcours de ce grand pays, démocratique, égoïste et peu respectueux de la parole donnée à leurs alliés indiens. Cette nouvelle nation ira même jusqu’à tenter de nouveau d’envahir le Canada en 1812, alors que les troupes britanniques combattent les soldats de Napoléon en Espagne. Mais que voulez-vous, ce sont les Américains…

Chroniqueur : Renaud Martinez

Chroniqueur : Renaud Martinez

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