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Bélinda Ibrahim (Dir) – L’amour aux temps du Covid. 119 plumes au chevet de la pandémie du XXIe siècle – Impression à la demande.

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Bélinda Ibrahim - L'amour au temps du Covid
Bélinda Ibrahim, alchimiste au grand cœur de ce magnifique ouvrage collectif dont les bénéfices sont intégralement reversés à L'ONG "Achrafieh 2020".

Qu’a voulu faire Bélinda Ibrahim quand elle a convié 119 plumes célèbres et moins célèbres à préparer le festin de l’amour, dans L’Amour aux temps du Covid ? Un festin pour lequel on se rend la plume et le visage masqués à cause de la pandémie, sans avoir peur de mettre son cœur et son corps à nu. Pourquoi a-t-elle choisi le principe du cadavre exquis, inventé par les surréalistes et défini par André Breton dans le Dictionnaire abrégé du surréalisme (1938). Face au danger de mort représenté par le Coronavirus, devient-il plus facile de coucher son moi intime sur le papier et de dévoiler son inconscient, sa libido en libérant le sentiment le plus inhérent à notre vulnérabilité ?

Le choix du cadavre exquis et du paratexte

Ce jeu littéraire qui s’est étendu aux arts graphiques et au cinéma consiste à écrire une phrase ou un texte et lui donner suite par les autres sans tenir compte des extraits précédents. Le premier exemple de ce genre, en l’occurrence du cadavre exquis, est publié par André Breton en 1925. Dans la communauté des surréalistes, quelqu’un avait écrit le substantif « cadavre », un autre l’adjectif « exquis » sans voir le nom ; un troisième le verbe « boira » et ainsi de suite jusqu’à composer la phrase : « Le cadavre exquis boira le vin nouveau. » Cela n’est pas sans rappeler l’écriture automatique inspirée de la psychanalyse. L’objectif de cette méthode surréaliste est de dévoiler des ressemblances et des rapprochements surprenants. C’est une technique qui se moque des techniques, des plans préconçus, afin de favoriser l’écriture libre où l’émotion prendrait le pas sur la raison. « Plus les rapports de réalité rapprochés seront lointains et justes, plus l’image sera forte« , déclare André Breton dans Le Manifeste du surréalisme.

Le titre de L’Amour aux temps du Covid est inspiré du roman du prix Nobel de littérature Gabriel Garcia Márquez, L’Amour aux temps du choléra. C’est l’histoire d’un télégraphiste poète et paumé qui tombe amoureux d’une collégienne belle à damner un saint. Florentino et Fermina s’aiment passionnément pendant trois ans, mais la ravissante jeune fille préfère épouser un médecin brillant et s’offrir une vie bourgeoise. Elle finit par plaquer le télégraphiste poète. Poignardé par sa trahison, Florentino sort de sa torpeur et travaille sans relâche pour se faire une fortune et reconquérir sa bien-aimée. Il se transforme en séducteur redoutable et ne compte plus les aventures sexuelles. Cependant, son cœur ne bat que pour Fermina. Cinquante ans après, il s’accroche éperdument à elle, d’où le choix judicieux de l’exergue du livre L’Amour aux temps du Covid.
Lire un roman avec une intrigue plus ou moins claire et s’identifier à des personnages précis dont on suit le parcours, de l’incipit à l’excipit avec les péripéties et les rebondissements qui constituent la trame de leur existence, n’est-il pas plus prenant que les fragments d’un long texte dédié à l’amour et à la maladie du siècle ? Dans ce contexte, on se souvient de Last Seen de Bélinda Ibrahim, un journal d’inspiration autobiographique qu’il est difficile de ne pas lire et relire à chaque fois qu’en proie à la maladie d’amour, on se trouve en quête d’exutoire, de partage authentique et d’identification. Mais c’est négliger que L’Amour aux temps du Covid recèle un immense bouquet de confessions, que l’intrigue est annoncée dès le début, dans le titre, la préface et la quatrième de couverture : comment faire face à deux maladies, l’une paradoxale et souhaitée et l’autre dangereuse et capable de tuer, a fortiori quand elles se déclarent ensemble ? L’intérêt n’est plus porté vers les héros du roman selon une construction romanesque classique, mais vers toutes les personnes héroïques qui ont partagé leurs faiblesses, leurs échecs, leurs souffrances et leurs victoires. Leur victoire sur les deux maladies ? Ou leur triomphe sur la maladie infectieuse grâce à l’effet parfois miraculeux de la maladie amoureuse ? Ou leur perte causée justement par cette dernière qui, en manquant à ses promesses, entraîne la déception, le choc, l’agonie… ?
La chronologie s’inscrit durant le pic de la pandémie qui a chamboulé le monde entier, pendant deux ans. Les lieux deviennent tous semblables, des maisons-prisons pour se protéger. Les 119 narrateurs et narratrices partagent le même sort, mais le vivent plus ou moins différemment. Interrogée sur la cohérence du récit, sur sa force malgré sa disparité, l’éditrice confirme avoir respecté le principe des surréalistes concernant la structure du cadavre exquis, sans avoir touché à l’ordre ou plutôt au désordre initial, ni modifié des mots, ni inventé des transitions, « le lien étant l’amour« .

couverture du livre " Cœur brisé " est peinte par Zeina Nader
couverture du livre " Cœur brisé " est peinte par Zeina Nader

Les deux maladies

Quels sont ces liens magiques qui poussent des auteur.e.s célèbres et des artistes amateurs à se prêter au jeu de l’amour, de la mort et du hasard, en mettant leur cœur et leur corps à nu ? La thématique s’articule autour de deux maladies qui se livrent une guerre sans merci. Le fil conducteur et implicite, c’est la réflexion sur un mal nécessaire et parfois salutaire et un autre résultant du saccage de l’environnement, de la perversité des humains et peut-être du courroux du ciel.
L’amour est une maladie addictive monopolisant tout l’être au point de le détourner souvent de toute autre activité ou source de joie à part l’objet aimé. La Covid est une infection dangereuse pouvant entraîner le décès des patients vulnérables. Quand on contracte ces deux maladies ensemble, nous sommes confronté.e.s à plusieurs situations. L’amour par son pouvoir puissant et dévastateur, fournirait à l’amoureux ou à l’amoureuse une énergie décuplée et une force pour lutter contre la Covid. Les hormones sécrétées grâce à l’amour peuvent renforcer l’immunité de l’être au point de le munir d’une endurance à toute épreuve. Tous les miracles deviennent alors possibles. En revanche, dans d’autres cas, la passion peut pousser les malades d’amour à multiplier les bêtises et les risques, à braver toutes les lignes rouges au point d’être contaminé.e.s par la Covid et de risquer leur vie pour avoir fait fi des gestes barrières. Dans son aspect virulent, laquelle des deux maladies est plus dangereuse ? Être atteint de la fièvre covidienne et ne pouvoir s’en sortir même après les souffrances physiques les plus atroces et les traitements les plus sévères, ou être atteint de la fièvre amoureuse et ne pas pouvoir s’en sortir au plus fort de la douleur, de la dépendance, de blessures narcissiques aiguës et d’atteintes graves à la dignité et à l’estime de soi ?

La dimension ludique

Devant cette panoplie de cœurs et de corps déchaînés, on est tenté de faire tomber les masques et se lancer dans une enquête littéraire pour deviner qui a écrit tel texte. Pour les lecteurs et les lectrices averti.e.s, pouvoir reconnaître le style d’un.e écrivain.e, déchiffrer la terminologie d’un penseur ou d’une poétesse qu’ils, qu’elles apprécient ou connaissent, correspond à un exercice cérébral ludique. C’est se livrer à un voyeurisme subtil puisqu’il est question de déshabiller l’âme et les mots. En lisant les différents témoignages, on est poussé à décortiquer la moindre phrase pour calmer l’obsession qui nous taraude l’esprit : l’amour fait-il plus d’heureux que de malheureux ? Et qu’en est-il de la Covid, cette maladie qui a fauché quinze à dix-huit millions de victimes dans le monde ? Lui arrive-t-elle paradoxalement de réunir au lieu de séparer ? Pousse-t-il des fleurs à ces épines assassines, comme inviter à la paix après les malentendus, susciter des rencontres originales aux moments les plus imprévus, réconcilier des couples, créer des interdits pour pimenter et aiguiser les rapports ? Tout y est dans ce livre. On y trouve des séparations forcées autant que de poignantes retrouvailles après les hôpitaux, les soins, les voyages au bout de la nuit. De même, les relations virtuelles peuvent parfois installer un nouveau style de vie basé sur la correspondance et sur la diversité des modes d’expression langagière : « Un seul être vous parle et tout est repeuplé« , semble être la nouvelle hantise, n’en déplaise à Lamartine. Les partenaires ressemblent à des extraterrestres rescapé.e.s d’une autre planète avec leurs drôles de têtes. Leur visage se limite au regard et les relations suivent un rythme inverse que celui répandu sur terre. La bouche, l’haleine, la salive constituent les nouvelles frontières, les lignes rouges à ne jamais approcher. Le rapport opposé s’établit dans la relation Éros contre Thanatos popularisée par Freud qui devient dans nombre de cas Éros = Thanatos.

Image de Carol Zadié Ajami

Carol Zadié Ajami

Carol Ziadé Ajami, est l’auteure du best -Seller "Beyrouth ne pardonne pas", et du roman "Père, pourquoi, m’as-tu abandonnée ?" Récemment, elle a écrit un manifeste : "Beyrouth Connection, Les fossoyeurs du Liban", qui a été salué par les médias français. Par ailleurs, elle est enseignante de langue française à l’Université libanaise.

Achrafieh 2020

Chacun mérite de vivre dans la dignité. C’est pourquoi Achrafieh 2020 mène des initiatives qui soutiennent la communauté, améliorent la qualité de vie à Achrafieh, favorisent l’unité et ravivent le tissu social et culturel. Et nous réalisons tout cela grâce à l’aide très appréciée de nos donateurs et de nos bénévoles motivés. Nous sommes dans le même bateau et ensemble nous pouvons créer un meilleur avenir pour Achrafieh. Nous sommes une famille unie par le respect, l’attention mutuelle, l’intégrité, la solidarité et le travail sans relâche.
Notre mission
Chez Achrafieh 2020, notre mission est de stimuler un environnement durable, les droits des citoyens et le patrimoine culturel et traditionnel de Beyrouth. Pour ce faire, nous menons et participons à diverses initiatives qui préservent la dignité et les droits de tous les segments de la société tout en améliorant Beyrouth.
Nos valeurs
Depuis notre lancement en 2013, tout notre bon travail est basé sur des principes intransigeants : le respect de la dignité humaine, la sauvegarde de l’identité de nos bénéficiaires, et la préservation de notre indépendance et de notre intégrité en refusant les dons assortis de conditions. Nous nous définissons par l’intégrité, le soutien inconditionnel et la solidarité avec la communauté. Tout ce que nous faisons est conforme à la loi et à l’approbation des autorités concernées.
Impact
Pour un impact maximal, Achrafieh 2020 travaille de manière indépendante ainsi qu’en collaboration avec des entités publiques et privées. Mais à tout moment, les meilleurs intérêts du quartier et de la communauté sont toujours prioritaires.
Dès le début, nos activités ont trouvé un écho auprès des habitants d’Achrafieh et l’ONG a gagné en popularité. Toutes nos initiatives promeuvent le credo du vivre ensemble dans la dignité, l’intégrité et la solidarité. Des personnes de tout le Liban, jeunes et moins jeunes, ont assisté à nos événements culturels divertissants qui soutiennent également les petites entreprises locales d’Achrafieh en leur donnant une plateforme pour présenter leurs produits et services. Nos activités sociales défendent les droits des citoyens, des enfants, des femmes, des personnes âgées, des personnes ayant des besoins spécifiques, des personnes déplacées et des malades. Elles protègent également le patrimoine culturel et traditionnel de Beyrouth.
En réaction à la grave crise économique et aux conséquences de la tragique explosion du 4 août 2020, nous nous concentrons désormais sur l’aide aux personnes vivant sous le seuil de pauvreté ou ayant besoin d’un abri et nous jouons un rôle actif dans les efforts de reconstruction des maisons.

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