Samuel Amédro et Jean-Paul Vesco. Le Pasteur et l’Évêque : Lettres pour faire tomber les murs. Ed. Labor et Fides, 04/10/2023. 15€.
Une correspondance œcuménique de textes, et également une correspondance diagonale sur des thèmes qui réunissent ces deux auteurs. Une correspondance positive et fraternelle entre un pasteur protestant (Samuel Amédro) et un évêque catholique (Mgr Jean-Paul Vesco, op – Cardinal-archevêque d’Alger).
Le format épistolaire invite au partage, à la transparence et à l’écoute mutuelle
Pour que le dialogue et l’échange puissent exister et porter des fruits il convient de s’écouter, et avant même de se connaître, de se fréquenter pour que l’on puisse en tirer le meilleur suc. De là, naît une ouverture entre traditions chrétiennes, et plus largement une réflexion sur le rôle des Églises dans la société contemporaine. Ce n’est pas la première fois que qu’un évêque catholique dialogue avec un pasteur protestant. Nous pouvons faire mémoire du Groupe des Dombes, et des liens forts entre le Père Portal, cm et Lord Halifax au siècle dernier. Cela est vrai aussi pour d’autres groupes connus ou situés plus localement. Les Églises avec le Conseil Œcuménique des Églises (COE), avec le Concile Vatican II, et les rencontres nombreuses depuis plus d’un siècle sont engagées dans ce mouvement œcuménique qui poursuit positivement sa route. Des pas importants avec les Anglicans, les Luthériens les Réformés, l’Orthodoxie… sont aujourd’hui (déjà) d’heureuse mémoire.
Lettres pour faire tomber les murs
Le sous-titre du livre « Lettres pour faire tomber les murs » peut nous étonner, et en tout cas nous interpeller. De quels murs s’agit-il ? Les premières pages donnent un début de réponse en présentant ce texte comme une invitation à dépasser les cloisonnements entre les Églises chrétiennes, d’une part ; et d’autre part, entre l’Église et monde. C’est « une parole concrète, à la fois critique et constructive pour une Église au service du monde » pour entreprendre un chemin constructif pour construire des ponts et non élevés des murs. Au besoin il faudra ensemble les franchir ou trouver des dynamiques pour les contourner : le dialogue fraternel ouvert. Au fil des pages, plusieurs thèmes sont abordés touchant la santé de l’Église, la mission, l’émerveillement, la vie en Église, les questions de sens. Ce dernier semble, selon moi, être un axe important car l’Homme contemporain (et, religieux) est en recherche de plus en plus du sens à donner à la Vie, aux choses qui font son quotidien et qui le contraint souvent à regarder l’horizon pour lui-même et pour ses enfants. Tout cela a-t-il du sens ? Quel sens donnons-nous à telle ou telle proposition ? Est-ce que tout se vaut ? Est-ce que tout est égal ?
Un document qui n’est pas document une thèse programmatique
Les 127 pages de cet ouvrage ne font pas de ce document une thèse programmatique. Ce n’est pas un ouvrage de recherche universitaire, mais plutôt une réflexion commune. Ce n’est pas un Traité théologique exhaustif ou une analyse académique approfondie. Accessible à un large public, il offre des réflexions profondes sur la sécularisation, sur la mission, sur la manière de « donner en vie » (donner et se donner), de partager, de proposer une dynamique à l’Homme d’aujourd’hui dans un mouvement « interfaith ». Les Églises sont questionnées tous les jours sur leur action, sur leur compréhension du monde et des changements rapides opérés par un monde qui se cherche, et qui est en pleine mutation. Il s’agit là encore d’éléments qu’avaient mis en lumière les textes du Jésuite Paul Valadier dans les années 1980-1990 ; et d’autres avec lui ou avant lui. L’échange entre le Pasteur et l’évêque se situe bien dans cette interrogation de la modernité. Le thème de « faire tomber les murs » rejoint des défis contemporains : séparation confessionnelle, sécularisation et fractures sociales. De nombreuses questions (sécularisation, mission, pluralisme), ce qui peut laisser le lecteur avec des pistes sans toujours d’approfondissement. L’échange aborde plusieurs autres thèmes tout aussi intéressants : « Quête de sens », « devenir des enfants », « laboratoire d’Église ».
De quels murs il s’agit ?
On reste malgré tout un peu sur notre faim ne sachant quels seraient en fin de compte les murs à faire tomber. Sont-ils les murs internes à l’Église ? Les murs entre les Églises ? Les murs entre l’Église et la société ? La dimension œcuménique du propos n’est pas élargie aux autres traditions religieuses chrétiennes ou au dialogue inter-religieux plus vaste. Le débat d’idées et de réflexion se cantonne à la stricte sphère protestante-catholique.
Le livre Le Pasteur et l’Évêque est d’une lecture stimulante et encourageante pour tous ceux qui s’interrogent sur la place et la mission des Églises aujourd’hui, sur le dialogue entre traditions chrétiennes et sur l’engagement de l’Église dans le monde. La convivialité fraternelle en est le marqueur principal. La franchise du ton et l’esprit d’ouverture sont aussi les pierres de rencontres sur le chemin du dialogue. La personnalité des deux auteurs y contribue pour beaucoup…
Ce livre est une base de départ pour animer un groupe lors de la Semaine de l’Unité des Chrétiens fin janvier de chaque année. Il peut contribuer à l’animation d’un groupe, d’une rencontre, d’une catéchèse et/ou d’une rencontre à dominante œcuménique.
Chroniqueur : Patrice Sabater
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