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Il y a bien longtemps que ces confins entre Méditerranée et golfe Arabique n’ont plus l’exotisme du « Voyage en Orient » cher à Chateaubriand. Depuis le début du XX° siècle, l’expression Proche ou Moyen-Orient est, en effet, bien plus connotée de drames que d’agréments touristiques.
Et pourtant ! Au gré de sa longue histoire, certes émaillée d’annexions et de conflits, la chronologie des relations humaines et économiques entre les divers peuples qui la composaient fut des plus prolifiques.
Notamment entre le 1er s. av J.-C jusqu’au VII de notre ère, – c’est-à-dire, de Pompée à Muhammad –, durant toute la période de l’occupation romaine, objet de la remarquable étude de Catherine Saliou sur le sujet.
Pourquoi donc un ouvrage sur le Proche-Orient romain ? L’auteure s’en explique dès l’introduction en définissant d’abord le cadre géographique, – un ensemble de territoires allant de la péninsule Arabique (Égypte et Sinaï) jusqu’à la chaîne du Taurus et la mer Rouge – qui ont tous en commun d’avoir été durablement intégrés à l’Empire romain avant sa transformation en Empire byzantin puis, sa séparation lors de la conquête arabe.
Pour mieux cerner les composantes d’une région trop souvent considérée comme périphérique par les spécialistes de l’Antiquité classique, la professeure d’histoire romaine a choisi de mettre l’accent sur son originalité propre. Et d’expliciter « en quoi ce Proche-Orient romain est-il un monde différent du monde romain ? »
Soucieuse de dresser un inventaire exhaustif de cette histoire, Catherine Saliou la décortique en deux grandes parties. L’une consacrée au processus évolutionnaire de cette vaste région, (politique, économique, cultuel) ; l’autre plus descriptive, abordant au plus près les réalités humaines et sociales des différentes communautés.
De la création par Pompée, en 64 av. J.C, de la province romaine syrienne sur les décombres de l’Empire Séleucide à l’empilement des langues et écritures qui caractérisent le développement de ces contrées, tous les aspects historiques et culturels sont ainsi minutieusement détaillés. L’on découvre ainsi l’hégémonie de la puissance romaine – de Caracalla à Aurélien – assortie du siège de Palmyre, comme on s’étonne de l’âge d’or des échanges économiques romains tissés entre les rivages méditerranéens et les réseaux de la route des routes de la soie et des épices.
Mais si chacun des divers chapitres est source d’égal intérêt, nous mentionnerons une attention spéciale à celui dévolu à la multiplicité des cultes, incluant le polythéisme et l’efflorescence monothéiste.
Qu’il s’agisse des cultes rendus à Baal, Dushara ou Aphlad sur les rives de l’Euphrate, l’univers divin du Proche-Orient est aussi multiple que mobile. Selon leur mode de protection locale ou agricole, les domaines de compétence de ces divinités sont d’échelles très variées.
Il en va différemment du monothéisme, et de ses deux lignées sources, le judaïsme et le christianisme, qui sont ici parfaitement décrits dans le contexte romain.
Le judaïsme, d’abord, avant et après 70, date de la destruction du Temple, que l’auteur va aussi bien analyser dans son particularisme – un Dieu, un Temple, une Loi – que par la naissance de sa diaspora et de sa composante de communautés, Samaritains, Pharisiens et Esséniens.
Le christianisme ensuite, mouvement interne au judaïsme à l’origine, que Catherine Saliou va disséquer dans sa singularité et son ouverture à l’universel. Du roi Hérode, via la persécution de Dioclétien jusqu’à sa reconnaissance par Constantin, l’essor de l’Église du Christ est ainsi progressivement analysé avant que la pensée de Muhammad n’ouvre la place à un troisième volet du monothéisme, l’Islam.

Complété par une richesse de manuscrits et de chroniques, densifié par les cartes d’époque et objet d’une très belle iconographie – illustrations et documents –, cet ouvrage qui s’inscrit dans la prestigieuse collection « Mondes Anciens« , accessible aux béotiens comme aux plus exigeants, constitue une somme irremplaçable pour retracer l’histoire foisonnante d’un « Croissant fertile romain », à ce jour inexploré.

Catherine Saliou, ancienne pensionnaire scientifique de l’Institut français d’archéologie du Proche-Orient (Damas), est professeure d’histoire romaine à l’université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis et directrice d’études à l’École pratique des hautes études. Elle a publié « Le Traité d’urbanisme de Julien d’Ascalon » et a également dirigé ou co-dirigé des ouvrages collectifs, parmi lesquels « Antioche de Syrie. Histoire, images et traces de la ville antique et Gaza dans l’Antiquité tardive. Archéologie, rhétorique et histoire ».

Michel BOLASSELL
contact@marenostrum.pm

Saliou, Catherine, « Le Proche-Orient : de Pompée à Muhammad, Ier s. av. J.-C. – VIIe s. apr. J.-C. », Belin, « Mondes anciens, n° 8 », 07/10/2020, 1 vol. (593 p.), 49,00€.

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