Christelle Veillard ; Le Souffle de la raison : le défi des stoïciens ; Plon, 09/02/2023, 1 vol, 229p ; 21€
Christelle Veillard est une spécialiste de la philosophie antique, et particulièrement de celle des Stoïciens. Elle est Maître de Conférences à l’Université de Nanterre et a écrit plusieurs ouvrages sur la philosophie stoïcienne. Par ailleurs, on l’écoute régulièrement sur France Culture dans l’émission Les chemins de la philosophie depuis plus de 10 ans. Son dernier ouvrage, Le souffle de la raison, sous-titré “Le défi des stoïciens”, est chez Plon au début de l’année 2023.
Ce livre nous invite à une promenade, une visite guidée au fil des préceptes stoïciens. Mais avant de nous y plonger, faisons connaissance avec les personnages de l’école que l’on appelle Le Portique. Le fondateur de l’école stoïcienne est Zénon de Citium (né vers 331 et mort en 262 avant J.-C.). C’est un marchand phénicien originaire de Chypre. C’est après un naufrage et ruiné qu’il fonde vers -301 son école à Athènes. Ne pouvant être propriétaire car étranger à la ville (ceux que l’on appelait les “métèques”) et sans argent, il enseigne dans un lieu public appelé le Portique des Couleurs (Stoa Poïkilé en grec). Le stoïcisme vient donc du mot grec “stoa” qui signifie “portique”. Ses premiers disciples et successeurs en tant que scolarques de l’école sont Cléanthe d’Assos et Chrysippe de Soles, tous deux nés en Turquie. Leurs successeurs, également scolarques, sont Diogène de Babylonie, Antipater de Tarse et Panétius de Rhodes. Ce dernier est le dernier scolarque athénien du Portique dont on a une trace certaine.
L'évolution du stoïcisme : des origines à l'époque impériale
À la suite de ces stoïciens anciens, ont émergé ceux que l’on a appelés les stoïciens moyens, notamment au IIe et Ier siècle avant J.-C., avec principalement Panétius de Rhodes (– 185-112) et Posodinius d’Apamée (– 135-51).
La troisième période est appelée stoïcisme nouveau ou impérial, ses représentants les plus célèbres sont Sénèque (né entre 4 av. J.-C. et Ier apr. J.-C. et mort en 65 apr. J.-C.), Épictète (50-125 apr. J.-C.) et l’empereur Marc Aurèle (121-180 apr. J.-C.). Examinons maintenant avec Christelle Veillard ce que nous apprend le Portique.
Sur la problématique de la mort, l’auteure, en citant Sénèque, nous démontre que notre mort a déjà eu lieu ! Il n’y a donc plus rien à craindre, ce n’est plus un problème à considérer. En effet :
La mort réside dans le temps dont nous ne disposons plus, dans les actions passées, donc mortes, absentes ; dans notre moi passé, révolu, déjà mort. Le temps déjà écoulé, déjà dépensé, est de toute évidence derrière nous, dans nos actes passés ; donc la mort est en quelque sorte derrière nous.
La philosophie stoïcienne nous invite à vivre en pleine conscience l’instant présent, car ce moment est tout ce que chacun possède. La durée n’a aucune importance, le présent est éternel. Le Portique ne promet pas de vie après la mort et nous apprend à ne pas craindre celle-ci.
Sur la problématique de la recherche du bonheur, les stoïciens considèrent que seule la pratique de la vertu peut l’apporter. C’est en cherchant constamment à vivre de la manière la plus vertueuse possible, en s’élevant au-dessus de ses passions, de ses instincts et de ses pulsions, que l’homme peut vivre libre et heureux. Pour le stoïcien, la vertu est son seul bien.
Le stoïcisme face à la réalité : contradictions, acceptation et universalisme
Quant à la problématique des contradictions, “c’est en soi-même et en soi seul”, que l’on trouvera toutes les solutions. Mais cette citadelle intérieure, largement traitée par Marc Aurèle, source de notre liberté, doit être construite grâce à une aide extérieure, “celle de la rationalité droite à laquelle seule la philosophie stoïcienne nous donne accès.” Car “l’un des apports majeurs de la pensée stoïcienne est sa capacité à penser les contradictions et, surtout, à vivre avec”. Épictète nous demande, pour tout accident qui survient, de nous replier sur nous-mêmes pour déterminer quel bon usage on peut en faire. Car ce qui nous trouble, ce ne sont pas les choses, mais nos jugements sur ces choses. “Être provoqué par quelqu’un, c’est être provoqué par notre propre jugement”.
L’assentiment au réel est un autre marqueur du stoïcisme :
Accepter le réel, ne pas se cacher la réalité, admettre que notre puissance d'action est somme toute presque nulle ; mais ne pas se résigner, puisque nous avons compris, aussi, que nous sommes définis par les valeurs que nous portons.
Nous ressentons intuitivement l’universalisme de la philosophie stoïcienne lorsque nous voyons Épictète, esclave affranchi et fils d’esclave, professer la même philosophie que Marc Aurèle, empereur, et la même que celle de Sénèque, aristocrate très riche. Les écrits directs ou rapportés des uns et des autres tournent autour des mêmes principes :
- – Le cloisonnement de ce qui dépend de nous et de ce qui ne dépend pas de nous
- – La logique (le raisonnement)
- – L’éthique (le plus important, car la vertu à elle seule rend heureux)
- – La physique (nous appartenons à un univers qui nous dépasse)
Le stoïcisme moderne est donc une façon de vivre, de garder ou d’obtenir l’équilibre et la sérénité intérieure dont nous avons besoin. Si vous souhaitez découvrir le stoïcisme ou en approfondir les concepts appréhendés ici d’une manière abordable mais toujours argumentée ; si vous souhaitez développer votre bienveillance, ce qui est le lien social par excellence nous dit Sénèque ; si vous souhaitez progresser dans l’art de la gestion des contradictions grâce au souffle de la raison, ce qui est le vrai défi des stoïciens, ce livre est fait pour vous.
Chroniqueur : Dominique Verron
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