Au XIIe siècle de notre ère, le bassin méditerranéen est un carrefour entre les civilisations juive, chrétienne et musulmane qui cohabitent, se côtoient et parfois s’affrontent. Hommes et marchandises parcourent en effet densément cette aire géographique, centre de gravité du monde, per–mettant ainsi de précieux transferts de connaissances dans de nombreux domaines (sciences, médecine, philosophie, arts). En Orient, depuis 750, la dynastie des Abbassides a pris le pouvoir à la suite de son affrontement avec celle des Omeyyades. Les vainqueurs décident de transférer la capitale du califat de Damas (actuelle Syrie) dans une ville fondée ex nihilo : Bagdad (actuel Irak). La suprématie politique des Abbassides prend fin au cours des siècles suivants et, en 1258, la prise de Bagdad par les hordes des Mongols les contraint à fuir vers l’Égypte.
C’est dans ce cadre historique et géographique, et plus précisément la capitale califale, qu’Hélène Calvez choisit de placer l’intrigue de son nouveau roman « L’Empoisonneur de Bagdad ». On y retrouve les personnages principaux du « Prince des Ténèbres » (Érick Bonnier, 2018) premier volet de cette série de polars historiques, en particulier Avendeuth, mystérieux médecin et alchimiste de Tolède. Appelé également « Prince des Ténèbres », ce personnage constitue un anti-héros antipathique, mais dont le savoir, les capacités de déduction et les pouvoirs sont grands. Il est devenu expert dans la maîtrise des poisons qu’il utilise pour « renvoyer vers le Père » celles et ceux qui le sollicitent, comme un mari jaloux venu le consulter pour tuer son épouse. Mais cet aspect sombre du personnage est compensé par l’aide qu’il apporte fréquemment aux plus démunis.
Eu égard à ses compétences, le Prince est envoyé à Bagdad afin de mener une enquête sur la mort mystérieuse du plus riche marchand de blé de la « Cité de la Paix » lors d’un banquet où les plus éminents personnages du califat sont conviés. Outre l’appât du gain offert par le calife pour résoudre cette énigme, Avendeuth s’interroge sur la découverte qu’aurait faite la victime avant son décès : le pouvoir divin de l’écriture ou « secret des lettres », que seule une poignée d’initiés maîtriserait. Le « Prince des Ténèbres » déambule donc dans les rues et quartiers bagdadiens à la recherche de la vérité.
Hélène Calvez a fait un véritable travail de documentation approfondi sur le fonctionnement de l’Empire abbasside. La morphologie de la ville de Bagdad au XIIe siècle est notamment décrite avec force détails au cours de l’enquête. L’auteure croise également réalité et fiction en faisant intervenir dans son récit des personnages historiques tels que les califes abbassides Al-Mustanjid et son successeur Al-Mustadhi ou encore le philosophe et théologien Moïse Maïmonide, auteur du « Guide des égarés » ouvrage ésotérique destiné à des initiés. Le personnage principal est sans doute lui aussi inspiré par Avendeuth, un traducteur de Tolède dont l’activité est attestée entre 1135 et 1153.
« Le Prince des Ténèbres » offre donc des connaissances historiques sur l’Orient au XIIe siècle et montre les liens que les Hommes entretiennent avec la religion. Mais il tient surtout en haleine le lecteur, avide de découvrir l’issue de l’enquête.
Marine MOULINS
articles@marenostrum.pm
Calvez, Hélène, « L’Empoisonneur de Bagdad : roman historique », Éditions Erick Bonnier, « Encre d’Orient », 22/04/2021, 1 vol. (250 p.),18€
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