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Rosa Ventrella, Les enfants de Haretz, Éditions les Escales, 04/05/2023, 1 vol. (265 p.), 22€

Comme tant d’autres pères de familles juives à travers les pays d’Europe, lorsque les nazis débarquent dans leur petite ville de Tchécoslovaquie, le père de Margit et János pense que les choses vont vite se calmer. Lui et son épouse tentent de préserver un semblant de normalité à l’intérieur de leur maison qu’ils ne quittent plus. L’aînée de leurs enfants, la narratrice, se rend compte des changements qui portent une atteinte physique et psychologique de plus en plus importante à sa famille. Jusqu’au jour où il est trop tard pour vraiment réagir. Les parents s’organisent pour que des voisins, les Roth, viennent chercher leur fille et leur fils, et la veille du départ, sous les yeux des enfants cachés dans un meuble, les nazis enlèvent les parents. Le lendemain, comme prévu, Margit, douze ans et son petit frère János, huit ans, sont emmenés par leurs voisins. À partir de là le temps s’efface, on ne sait plus quand on est ou combien de jours s’écoulent. Les enfants se terrent, la cohabitation est difficile et faite de méfiance et de crainte de ce qui pourrait arriver. L’angoisse mène Monsieur Roth à renvoyer les enfants de chez lui, les abandonnant à leur destin dans les forêts d’Europe orientale. De rencontre en rencontre, les enfants parviennent tant bien que mal à survivre, à affronter les intempéries, à trouver de quoi se nourrir.

Perdus, mais ensemble : l'entraide comme moyen de survie

Puis un jour, au cours de leurs pérégrinations, ils font la rencontre qui va leur redonner une raison de s’accrocher à la vie. En traversant une énième forêt, ils trouvent un groupe d’enfants juifs errants, certains plus jeunes, d’autres plus âgés, mené par Frantz, quinze ans, qui prend soin de l’itinéraire et, autant qu’il le peut, de la satisfaction des besoins essentiels des enfants. Margit et János se joignent à la troupe. Ces jeunes êtres privés de tout ou presque, et surtout de l’humanité à laquelle le monde environnant ne leur accorde pas le droit, trouvent la force de poursuivre, malgré les privations et la peur d’être rattrapés, en prenant soin les uns des autres, en devenant une famille qui connaît ses hauts et ses bas. Ils ne se cachent pas la vérité : ils croisent des nazis, passent à proximité de camps d’extermination, comprennent ce qui s’y passe et le sort réservé aux membres de leurs familles arrêtés. Cependant, ils échappent aux visions et au quotidien qui sont ceux des prisonniers. Les années passent, même si leur compte est perdu. Les corps et les esprits mûrissent malgré l’affaiblissement. Les sentiments entre les enfants évoluent, ils grandissent et découvrent des émotions jusqu’alors inconnues. Le poids de leurs responsabilités les renforce autant qu’il pèse sur eux.
Pourtant, tous ne supportent pas de manière égale les aléas de cette survie. D’étape en étape, de rencontre en rencontre, les liens se renforcent, mais l’horreur de ce à quoi ils sont exposés, les malheurs et les accidents s’accumulent, poussant parfois à renoncer, à se sacrifier pour sauver les autres. La façon dont la survie quotidienne est racontée laisse entrevoir des lueurs et des fragments de ce qui reste tout de même de la vie. Au bout du chemin, une lumière les attire. Et pour que les pertes et les malheurs ne soient pas vains, ils doivent, coûte que coûte, se reconnecter avec le monde des vivants dès que l’occasion se présente.

De l'horreur à l'espoir : une histoire de résilience

Ce roman, inspiré de faits réels, est une ode à la vie, à l’affrontement, quoi qu’elle offre, à la persévérance, à la résilience et à la mémoire. On termine cette lecture rempli d’admiration, d’espoir et de confiance en la capacité humaine à vivre, malgré tout.

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Chroniqueuse : Stéphanie Binder

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