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Il arrive parfois que la destinée ferme les yeux, mais c’est toujours elle qui a le dernier mot. La destinée de Florence Quentin l’a conduite – à l’âge de douze ans – sur la terre des Pharaons, à l’occasion d’un voyage dans la vallée du Nil. Une passion qui, depuis, ne l’a jamais quittée. Diplômée d’art et d’égyptologie, elle publie son huitième ouvrage sur le sujet, après une biographie d’Isis chez Albin Michel, et avoir dirigé “Le Livre des Égyptes” dans la collection “Bouquins” chez Robert Laffont.
“Les grandes souveraines d’Égypte” ne se résume pas à une simple recension de ces prestigieuses femmes éternelles qui ont régné sur l’un des plus grands empires du monde. À la lumière des dernières découvertes archéologiques, et grâce aux technologies modernes, il lève le voile sur des points jusqu’alors mystérieux de l’histoire de ces souveraines, ose de nouvelles théories liées aux filiations si complexes à établir à cause de la tradition des “incestes sacrés” qui étaient alors en vigueur dans la sphère royale. Fidèles au mythe isiaque, les unions adelphiques étaient très courantes, quand ce n’était père et fille, voire père et petite-fille, comme ce fut le cas avec Ramsès II. (Qui eut au moins une dizaine d’épouses, vingt fois plus de concubines, et plus de cent enfants !)

De notre point de vue, il serait pourtant hâtif de juger de telles unions, la prohibition de l’inceste structurant les sociétés, comme l’a montré Claude Lévi-Strauss. Ces mariages pharaoniques ne peuvent en effet être évalués à partir de notre ethnocentrisme : ce serait oublier qu’ils n’existaient que dans la sphère royale, et échappaient de fait aux lois humaines et aux interdits ontologiques.

Florence Quentin – “Les grandes souveraines d’Égypte”.

Aux antipodes des civilisations grecques, romaines et hébraïques, cet ouvrage est précieux, car il nous apprend que le statut de la femme égyptienne était particulièrement enviable. Respectée, elle n’était pas soumise à la tutelle de son mari, de son frère ou de son père. Il était donc possible – pour une femme – d’occuper des postes que l’on pensait exclusivement réservés aux hommes : “Au palais comme dans le peuple, chez la femme au foyer comme chez “l’épouse de Dieu” dévolue au culte d’Amon, une même estime domine, comme une influence certaine, la famille (respect de la mère et des parents âgés, enfants, fidélité) étant une valeur essentielle pour les Égyptiens.”
Nonobstant ce tableau qui pourrait paraître idyllique, avec “Les grandes souveraines d’Égypte” Florence Quentin nous fait entrer dans un monde mystérieux et fascinant, peuplé d’intrigues, d’ambitions, d’alliances et de mésalliances, de ruses, et d’assassinats liés à des rivalités féroces, parfois ancestrales. Face à une telle violence, l’enfer, décrit par les chrétiens, serait presque préférable. Cette terrible entité que représente le pouvoir est redoutable parce que son ombre n’a pas de limite, et toutes ces reines d’Égypte ont une aspiration commune que Florence Quentin a choisi de mettre à l’honneur : “rétablir et maintenir l’ordre et la paix”

Il est intéressant de remarquer, explique l’égyptologue Dimitri Meeks, que dans la réalité humaine, ce sont toujours les femmes qui, lorsqu’une lignée s’éteint ou connaît des difficultés successorales, se trouvent en situation de transmettre ou de cautionner une légitimité compromise.

Florence Quentin – “Les grandes souveraines d’Égypte”.

Il n’est nul besoin d’être un grand connaisseur de l’Histoire de l’Égypte ancienne, et en particulier du Nouvel Empire (entre 1550 et 1069 avant notre ère) pour aborder cet ouvrage, car il est particulièrement didactique, servi par des notes de bas de pages, des annexes, et une bibliographie remarquables. Florence Quentin nous transmet sa passion et, de Néfertari à Cléopâtre VII, on se laisse porter par la découverte de la destinée exceptionnelle de toutes ces femmes, élevées au rang de déesse, et qui n’ont pas eu que la beauté en partage… Un livre qu’il est difficile de lâcher. Nous sommes pleinement d’accord avec la conclusion du quatrième de couverture : “Une somme originale et inédite, un futur classique.”
Paul Morand avait raison : “L’Égypte est un jour de bonheur que les dieux ont offert aux hommes”. La lecture de l’ouvrage de Florence Quentin nous plonge dans le même enchantement, en ressuscitant ces merveilles perdues que furent les grandes souveraines d’Égypte, au sein d’un empire à l’apogée de sa puissance, et qui fut le berceau de la science et des plus grandes sagesses.

Quentin, Florence, “Les grandes souveraines d’Égypte”, Perrin, 25/03/2021, 24,00€

Jean-Jacques BEDU
articles@marenostrum.pm

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