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Collectif, Les guerres d’Italie : un conflit européen, Passés composés / Ministère des Armées, 28/09/2022,1 vol. (492 p.), 25€.

S’il est un titre d’ouvrage qui peut prêter à confusion, c’est bien celui-ci. En effet, pour une grande majorité des néophytes, les actions énumérées au cours des pages ne peuvent traiter que de la période romaine, voire des actions de Bonaparte pendant la Révolution française. C’est à peine si les amateurs de la Seconde Guerre mondiale croiraient y trouver de quoi se sustenter. Eh bien, on ne trouvera rien de tout cela dans ce livre.
Et pour cause, les évènements admirablement décrits dans les guerres d’Italie narrent une période essentielle mais très largement méconnue de l’histoire de France, que les inconditionnels attendaient de tous leurs vœux.
Pour nous allécher, Didier Le Fur s’est entouré d’un aréopage d’historiens particulièrement connaisseurs de la péninsule italienne, qui vont nous livrer, par l’intermédiaire de chapitres d’une grande qualité, les clés pour comprendre ce que fut cette succession de violents duels dans ce que l’on peut appeler, sans se tromper, la première guerre européenne.

Il était une fois un roi de France, Charles VIII qui, attentif aux menées politiques de son père Louis XI, décide, à peine la couronne ceinte, de se tailler une part du gâteau de cette terre d’abondance. Sa sœur Anne de Beaujeu, pourtant fine conseillère de son royal frère, ne pourra le dissuader. C’est ainsi que commence une guerre – ou des guerres – qui ne verront leur dénouement que trois royautés plus tard.
Cependant, peut-on parler d’Italie à cette époque ? Seulement si l’on se réfère à la situation géographique de la botte. En effet, dans la seconde moitié du XVe siècle, une multitude d’entités compose le paysage. Royaumes, principautés, duchés et autres républiques citadines se mélangent, se contournent et, comme souvent se toisent de haut. Certaines tentent d’échapper à tout conflit en payant grassement leurs voisins tandis que d’autres, incapables de fournir un contingent local de défenseurs de leurs propres terres, font la part belle aux Condottières, ces chefs de mercenaires moitié soudards, moitié souverains de pacotille. Au milieu de tout ce fatras de miettes d’empire, Venise, Florence ou Naples tirent leur épingle du jeu, pour être supplantés à leur tour par les Lombards, les Savoyards ou les Piémontais. Dans la tête des Français, c’est du pain béni !
C’est donc en toute confiance que les troupes françaises pénètrent en territoire italien, ne doutant pas une seule fois de leur supériorité ni de leur bon droit. Formées par des contingents hétéroclites, les vagues de reîtres s’adonnent, en dépit des ordres, à des exactions épouvantables, typiques de cette époque trouble. Aux Bourguignons se joignent des mercenaires bretons et flamands tandis que Catalans et Croates défendent, grâce aux deniers versés, des confettis de territoire pour le compte de la couronne d’Espagne.
Tour à tour, certains y voient l’occasion de se créer un domaine à la faveur du chaos ambiant. De fortes personnalités émergent comme les Sforza, les Médicis ou les rejetons de papes, tel César Borgia, qui ne désirent que ce que les autres ont acquis.

Après la mort lamentable de Charles VIII, son successeur, Louis XII poursuit la même politique, en y mettant un entrain renouvelé. À cette époque, le nord de l’Italie n’est plus qu’un champ de ruines parsemé de soldats en maraude au milieu duquel subsistent des îlots d’orgueil que constituent les grandes villes de ce début d’ère de la Renaissance. Aussi, d’autres acteurs tentent de sortir leur épingle du jeu. Sortant du lot, les Génois, banquiers redoutables qui, prêtant à tous les belligérants, deviennent leurs obligés. Le retour de bâton n’en sera que plus violent quand, la plupart des marchandises européennes transitant par leur port, un acteur imprévu du drame s’invitera sans complexe dans la cour des grands : la peste. On lui attribuera plus de la moitié des immenses pertes des guerres d’Italie.
Dans ces temps maudits, malheur à celui qui tente d’échapper au carnage en usant et abusant de diplomatie ou d’espèces sonnantes et trébuchantes. Sa chute n’en sera que plus sévère. C’est ainsi que seront englouties les républiques de Sienne ou de Piombino. Jamais dans l’histoire, l’adage « Nul ne peut échapper à la guerre » n’aura été aussi vrai. Forts de cela, les Vénitiens s’essaient à imposer leur hégémonie, non pas par soif de pouvoir mais plus prosaïquement pour qu’on ne leur cherche pas noise. Mal leur en prend ! Français, Papistes, Napolitains et autres Aragonais s’unissent pour leur donner une bonne leçon de savoir-vivre en les écrasant à la bataille d’Agnadel.

L’Italie n’est pas seulement un territoire de chasse pour s’approprier, avec les horreurs que l’on sait, les biens d’autrui. Une guerre dans la guerre sourd durant toute cette violence. Les Guelfes, partisans du pape, sont en lutte ouverte contre les Gibelins, attachés à la personnalité de l’empereur du Saint Empire romain germanique. Lorsque le souverain pontife veut imposer ses vues au locataire du trône de Charlemagne, deux ennemis s’affrontent dans un duel qui durera des siècles et qui trouvera son paroxysme dans la tragédie de Shakespeare : Roméo et Juliette, innocents rejetons d’un orgueil démesuré.
C’est sous le règne de François 1er que les guerres d’Italie vont connaître le summum de l’horreur et leur inévitable fin. C’est également grâce à ce roi que le conflit va sortir de son anonymat historique. Dès son avènement, François 1er caracole vers l’Italie, suivi d’une armée rutilante. On veut s’emparer de ses terres bien mal acquises. Mais qui ? Les Suisses ! Loin du poncif de neutralité qui ne prévaut surtout pas à l’époque, ces soldats dans l’âme ne veulent pas rester les bras croisés alors qu’on se taille des royaumes. Les hordes helvètes déferlent sur les riches plaines du Pô, s’emparant même de Milan. Seul le roi de la Renaissance peut les arrêter. C’est bientôt chose faite, dans cette bataille que les Français ne connaissent que par sa date fatidique : 1515. À Marignan, François 1er assoit son pouvoir et sa légitimité et renvoie les Suisses dans leurs cantons pour longtemps.
Les Français n’en sont pas plus maîtres de l’Italie pour autant. Un petit homme chétif mais au pouvoir illimité – la moitié du monde lui appartient – voit d’un très mauvais œil la présence française sur des contrées dont la proximité jouxte dangereusement ses possessions. Il a de plus la mauvaise idée de se faire couronner empereur du Saint Empire, poste qu’ambitionnait le roi de France. C’est encore en Italie que la confrontation va avoir lieu. Cette fois-ci, après de longues années de massacres, le vainqueur sera Charles Quint qui, à l’issue de la bataille de Pavie, anéantira les rêves d’Italie des Français, s’emparant au passage de la personne de François 1er qui dira à l’issue de l’affrontement : « Tout est perdu, fors l’Honneur ». Peut-être, mais dans tous les cas, tout est perdu. La fine fleur de la chevalerie française, comme Bayard, La Palice ou Bourbon mordra la poussière pour une cause de laquelle on pourrait dire aujourd’hui : tout ça pour ça ?

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Chroniqueur : Renaud Martinez

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