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Écrivain, journaliste, documentariste, Jean-Marie Montali a occupé de hautes fonctions au sein de la presse nationale, dont celles de directeur exécutif du Figaro Magazine et de directeur adjoint des rédactions du Parisien/Aujourd’hui en France. Après nous avoir donné un témoignage poignant sur le commandant Massoud dans la collection « Placard et Libelles« , en fin connaisseur, il nous dévoile dans « Les Larmes de Kaboul – Carnets Afghans » les quarante années d’enfer que vit ce pays depuis 1979, date de son invasion par l’Armée Rouge.
Jean-Marie Montali livre un document aux multiples facettes, tenant à la fois du roman d’aventures, de l’analyse géopolitique, du carnet de voyage… L’écriture est riche, le style passionné et désespéré. On ne sort pas indemne de certaines descriptions qui sont réellement poignantes et témoignent combien l’auteur aime ce pays. Amour inconsidéré, inexplicable, conséquences du « Syndrome de Kessel » qui frappe ceux qui ont lu « Les Cavaliers ».

Pour bien appréhender les problématiques de l’Afghanistan d’aujourd’hui, l’auteur retrace à grands traits l’histoire cette immense région qui comprend l’Inde, le Pakistan et l’Afghanistan. Comment les Britanniques, au fil de leurs conquêtes, et pour les sécuriser, imposèrent aux Afghans une ligne frontière appelée « Ligne Durand » du nom de son initiateur : Henry-Mortimer Durand. Cette frontière séparant le Pakistan de l’Afghanistan ne tient compte que des intérêts défensifs de l’Empire britannique face aux velléités d’expansion de l’Empire russe, et aucunement de l’ethnie pachtoune dont le territoire se trouve coupé en deux. La suite montre, comme aimait à dire François Mitterrand que « l’Histoire passe par les mêmes chemins que la géographie ».
L’heure de l’indépendance venue, en 1947, la partition des Indes britanniques se fait sur des bases de démographie religieuse : le Pakistan à majorité musulmane et l’Inde à majorité indoue.

Si Le Pakistan reconnaît la « Ligne Durand », ce n’est pas le cas de l’Afghanistan qui revendique les zones tribales pachtounes du côté du Pakistan. Cette ligne Durand sera le marqueur du nationalisme pachtoune qui ne rêve que d’un Pachtounistan indépendant.
Si la « Ligne Durand » crée un espace sans lois, favorisant tous les trafics, c’est l’installation d’un régime communiste à Kaboul en 1978, qui incite Jimmy Carter à financer, au Pakistan et en particulier dans les zones pachtounes, des milliers de Madrasas ou écoles coraniques. C’est de ces écoles coraniques que sont issus les Taliban (« talib » en arabe veut dire étudiant, « taliban » en est le pluriel). Le monde et l’Afghanistan sont toujours en train de payer cette décision. L’administration américaine de l’époque imagine que l’Islam est la meilleure façon de combattre le communisme, surtout après l’invasion soviétique de 1979. Les Madrasas ont enseigné l’Islam le plus rétrograde, le plus violent, le plus fondamentaliste. Les Taliban ainsi fanatisés et armés par l’Occident ont combattu avec une férocité inouïe l’Armée Rouge, et tous ceux qui ne respectent pas leur vision de la Charia. Nous savons tous que les femmes ont été leurs premières victimes, et les descriptions de l’auteur à leur égard sont effrayantes.
Dix ans de guerre vont opposer les Soviétiques aux différentes tribus et ethnies d’Afghanistan soutenus par les États-Unis d’Amérique.

L’Afghanistan est un pays composé d’une dizaine d’ethnies différentes, jalouses les unes les autres de leur indépendance et de leurs prérogatives. Les qualités communes aux Afghans sont d’être courageux, fiers, durs, impitoyables.
Si les Soviétiques ont affaire aux Taliban au sud du pays, ils ont affaire au nord à Ahmed Shah, plus connu sous le nom de commandant Massoud (1953-2001), « le lion du Panchir ». Jean-Marie Montali a été l’ami de Massoud dont il a partagé la conversation et le combat. Voltaire disait que « la légende est la fille aînée de l’Histoire », Jean-Marie Montali nous fait partager celle de Massoud avec les mots du cœur. Il voyait en lui un de Gaulle, un Churchill.
Les Soviétiques se sont épuisés face au courage des moudjahidines, au temps, et aux montagnes d’Afghanistan.
En 1989, l’URSS décide de se retirer d’Afghanistan. Ce qui a été la première brique arrachée au mur de Berlin, et a précipité sa chute.

Jusqu’en 1996, le pays est en guerre civile et les haines interethniques se déchaînent, des haines recuites et sanglantes entre Pachtounes qui parlent le pachto, les Tadjiks qui parlent le dari (persan), les Hazaras qui sont chiites, les Ouzbeks de langues turques, les Turkmènes, les Kirghizes, les Kazakhs, des Baloutches, des Nouristanis autrefois appelés « Kafir »(infidèles) jusqu’à leur conversion forcée. En 1996 les Taliban (pour l’essentiel Pachtounes) prennent le pouvoir à Kaboul, jusqu’en 2001.

Le « ministère pour la promotion de la vertu et la répression du vice » résume, dans son intitulé, ce qu’est devenu l’art de vivre en Afghanistan au temps du Mollah Omar. La vertu se mesurant à la longueur du poil de barbe pour les hommes et au fait de disparaître totalement pour les femmes.
Le commandant Massoud est assassiné le 9 septembre 2001, et c’est après le 11 septembre que la coalition internationale menée par les Américains envahit l’Afghanistan. Kaboul est prise en novembre 2001. Les Taliban se réfugient dans les montagnes et tout recommence : assassinat, explosions attentats suicides, massacres. Vingt ans après les Américains s’en vont, défaits et humiliés. L’Afghanistan est toujours « le tombeau des empires ». Les Taliban sont revenus, Kaboul n’a pas fini de pleurer.

Dominique VERRON
articles@marenostrum.pm

Montali, Jean-Marie, « Les larmes de Kaboul : carnets afghans », Le Cerf, 06/01/2022, 1 vol. (282 p.), 20€.

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Une lecture qui rappelle que la vérité perd toujours contre le désir d’illusion.

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