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Courageuse Fatiha Agag-Boudjahlat ! Féministe anti-libérale, militante laïque et récusant l’idée d’un racisme anti-arabe systémique, cette enseignante toulousaine multiplie par sa plume, de légitimes croisades.

Après s’être insurgée sur le port du voile –cette pratique sexiste et communautariste dans « Combattre le voilement », et dénoncé les errements sur les notions de laïcité, de tolérance et de féminisme – prétextes de différenciation ethnique –, l’essayiste enfonce le clou par son troisième opus « Les Nostalgériades » remarquable réflexion empathique et critique dans l’univers des jeunes français issus de l’immigration.
Quiconque a côtoyé ces jeunes gens déracinés, partagés entre une mise à l’index d’une France dont ils sont les enfants et un Maghreb qu’ils se plaisent à idéaliser, ne peut qu’adhérer à ce récit poignant autant que pétri d’authenticité.
Néologisme formé de la contraction de « Nostalgie », « Algérie » et « Jérémiades », le titre de l’ouvrage annonce déjà la couleur. Le premier des mots mis en avant est celui de Jérémiades, cette valorisation du statut de victime en vogue aussi bien dans les médias que dans les universités.

Ce qui compte, dit-elle à cet égard est l’endroit d’où l’on parle. Ou plutôt d’où l’on prétend parler, tant les nouveaux militants gauchistes réactionnaires, indigénistes, racialistes, sont eux-mêmes dans une construction identitaire individuelle et collective que nous serions bien avisés de déconstruire, suivant en cela leur exemple.

Le deuxième recouvre la pseudo-nostalgie éprouvée par la troisième génération d’immigrés. Si tant de jeunes fantasment sur le creuset familial de ce pays, c’est parce que « l’Algérie s’apparente à un Eldorado », commente F.A-Boudjahlat.

Le pays de l’éternel été, des vacances où il fait toujours beau, où l’on peut dépenser sans compter, alors que la France est le pays des obligations, de la scolarité, du travail et des économies à faire…

Tel est le sentiment de tous ces jeunes dont le premier réflexe est de se dire Algériens, Marocains ou Turcs, quand bien même ils sont nés, grandissent et vivent en France, déplore la professeure dans son métier d’enseignante.
Un état de fait qui, au fil des pages, se décline en autant de vérités dérangeantes lorsque l’autrice passe au crible les diverses formes de « connivences communautaristes » auxquels ces adolescents sont sans cesse confrontés, à l’école, dans le milieu médical, le chantage émotionnel » des familles et parfois, les dérives de l’orthodoxie religieuse.

Cette montée d’un radicalisme, en particulier auprès des jeunes générations, le plus souvent par méconnaissance ou ignorance, doit être pour l’essayiste objet de la plus large attention. Elle souligne :

Je ne veux pas d’un prolétariat religieux dans lequel tous les descendants d’immigrés ne pourraient se définir que par leur religiosité, que par leur conformité aux attendus du groupe. Chaque personne doit suivre le précepte de Gide et « faire de soi un être irremplaçable »

Adepte d’une authentique condition féminine apte à libérer la parole de toutes les femmes, Fatihah Boudjahlat témoigne d’une belle volonté de consensus. Ainsi, écrit-elle :

Dans mon parcours de vie, je n’ai rien de commun avec Élisabeth Badinter, hormis l’essentiel : le combat pour l’émancipation individuelle et collective. Elle n’est pas ma sœur, elle est une amie et une camarade de combat. Elle n’accomplit pas un acte de charité quand elle me parle. Je suis son égale et c’est la seule reconnaissance qui vaille.

Bref un large tour d’horizon sur d’épineux sujets d’actualité traités avec autant de rigueur, d’humour parfois et de hardiesse qui font de Fatiha Agag-Boudjahlat, une voix qui compte de nos jours et mérite d’être méditée.

Michel BOLASELL
articles@marenostrum.pm

Agag-Boudjahlat, Fatiha, »Nostalgériades : nostalgie, Algérie, Jérémiades », Le Cerf, 15/04/2021, 1 vol. (138 p.), 16€

Enseignante et essayiste française, militante laïque défendant un féminisme universaliste, autrice au Cerf de deux essais majeurs, « Le Grand détournement » et « Combattre le voilement« , Fatiha Agag-Boudjahlat compte parmi les voix et les consciences d’aujourd’hui.

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