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Les Pharisiens : dans les Évangiles et dans l’histoire- Mireille Hadas-Lebel

Que sont exactement les Pharisiens ? Entre les stéréotypes de « personnes hypocrites » ou « présomptueuses » relayés par des générations de chrétiens et les membres d’un courant religieux considérés comme les fondateurs du judaïsme rabbinique, il y a un large fossé interprétatif qui méritait d’être éclairci.
Ce fut la raison d’être d’un congrès tenu à Rome, à l’initiative du pape François en mai 2019. Et c’est, en continuité, la démarche entreprise par Mireille Hadas-Lebel dans son dernier opus paru aux Éditions Albin Michel.
Une démarche au demeurant plus que nécessaire, car les références citées dans les Évangiles sont loin d’être favorables aux tenants de ce courant du judaïsme antique. Il n’est qu’à constater les griefs de Jésus à leur égard. Dans le chapitre XXIII de Mathieu notamment, les violents propos que le Messie leur adresse devant la foule témoignent d’une vive dissension. « Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites » répétera-t-il à sept reprises pour expliciter leurs attitudes insidieuses. Des accusations que reprendront d’ailleurs le reste des évangélistes, Marc, Jean et Luc, particulièrement, à l’occasion d’un repas de Jésus chez les Pharisiens où ces derniers soucieux de prescriptions incitent à nettoyer l’extérieur de la coupe et du plat, mais demeurent à l’intérieur pleins d’avidité et de méchanceté. « Insensés ! Celui qui a créé l’extérieur n’a-t-il pas aussi créé l’intérieur ? », leur sera-t-il reproché. Dussent-elles être situées dans le contexte de la première ère chrétienne, ces diverses attitudes, n’en demeurent pas moins négatives. « Haïssables » reconnaît même Mireille Hadas-Lebel, mais pas au point toutefois : « de faire de cette présentation traditionnelle des Pharisiens un enseignement du mépris ».
Ce sera là, le plaidoyer de l’auteure. À défaut d’une pleine réhabilitation, tenter de s’approcher au plus près du discours de ces tenants d’une stricte Torah dans leur cadre historique et civilisationnel.
Qu’il s’agisse de l’observance du shabbat, des règles de pureté, du choix des fréquentations, du prélèvement de la dîme, du divorce ou du tribut à César, toutes les confrontations les opposant à Jésus « correspondent aux sujets débattus dans les écoles de ce temps, qui trouveront leur aboutissement dans la Mishna et plus tard dans le Talmud », explique Mme Hadas-Lebel. Autrement dit, qui auront des répercussions théologiques sur l’histoire et les préceptes de la foi juive. Plutôt donc qu’alimenter une stérile polémique qui a alimenté des siècles d’antijudaïsme chrétien, il vaut mieux recourir aux sources historiques anciennes suggère l’auteure.
Ce que confirment de récents travaux d’exégèse chrétienne, pour lesquels ce groupe ultra-légaliste s’apparentait davantage à un mouvement réformateur, qui cherchait à faciliter la vie religieuse et à atténuer même sur certains points, les rigueurs de la Loi.
Soucieux de polir les points de friction entre juifs et catholiques comme artisan d’un vrai dialogue judéo-chrétien dans la lignée de Nostra Aetate, le pape François a convenu qu’il y avait là matière à réflexion lors du dernier congrès bibliste pontifical. C’est tout le résultat entrepris et parfaitement étayé par Mireille Hadas-Lebel sur le sujet. Un travail salué par le Grand Rabbin de France, Haim Korsia, qui a vu dans cette présentation des pharisiens : « un élément porteur de lien avec le judaïsme d’aujourd’hui. »

Michel BOLASSELL
contact@marenostrum.pm

Hadas-Lebel, Mireille, « Les pharisiens : dans les Évangiles et dans l’histoire », Albin Michel , »Spiritualités », 03/02/2021, 1 vol. (203 p.), 19,90€

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