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Dans un ouvrage très documenté, Jean-Paul Lefebre-Filleau rappelle la mémoire de ceux qui ont résisté à la barbarie nazie, animés par leur foi, qu’elle soit chrétienne, juive ou musulmane. Il situe leurs actions héroïques dans le contexte d’une époque difficile, celle qui vit l’arrivée au pouvoir d’Hitler et la mise en place progressive de son projet mortifère.
Dans les pays conquis, les nazis voulaient mener une véritable déshumanisation des individus, aboutissant à créer une race supérieure, l’Aryenne, et des esclaves soumis et servant de main-d’œuvre à la première.
Cela devait commencer par l’élimination totale des juifs, avec la politique de d’extermination massive mise en place.
Mais il leur fallait aussi abattre les autres religions monothéistes, leur substituant Hitler comme Dieu et Mein Kampf comme Bible. L’objectif étant de mettre en place un néo paganisme avec comme seule référence le Reich.

Les persécutions pour des motifs religieux débutèrent dès la prise du pouvoir en 1933 en Allemagne puis se poursuivirent dans les pays conquis par les nazis, l’Autriche, la Pologne, la Tchécoslovaquie.
L’attitude de la papauté face à ces attaques fut critiquée, mais – selon l’auteur –, Pie XI et son successeur Pie XII, informés de ce qui se passait, ont dénoncé à maintes reprises les exactions allemandes, tout en œuvrant pour protéger les Juifs et les autres.
Dans les années 1930-1940 le climat était chargé de vents mauvais : antiparlementarisme virulent, antisémitisme, anti–républicaine.
L’auteur donne un aperçu de cette ambiance en évoquant la position des intellectuels, des partis politiques extrémistes de droite, des pacifistes, des différents journaux. Parmi tous ceux qui étaient favorables à l’Allemagne, il y avait les antisémites, les antimaçonniques, les pacifistes. Céline, Rebatet et Brasillach furent parmi les plus virulents des extrémistes de droite.
La débâcle de 1940 permit l’arrivée de Pétain, avec comme philosophie politique « travail, famille, patrie ». Il conduisit le pays sur la voie de la collaboration. Il faut noter qu’au début du régime de Vichy, les prélats catholiques avaient tendance à le soutenir, espérant peut-être que celui-ci allait supprimer la loi de 1905. Mais des chrétiens, religieux ou laïcs, n’hésitèrent pas à entrer dans la lutte clandestine.
Si les collaborateurs furent nombreux, ceux qui résistèrent le furent aussi. Comme le titre l’indique, Jean Paul Lefebre-Filleau a fait le choix de parler des croyants qui s’engagèrent dans la résistance, faisant le choix de ne pas parler des athées ou des agnostiques. Pourtant leur foi en l’homme les poussa aussi à lutter contre l’extrême barbarie nazie. Mais la question est tellement vaste que l’on peut comprendre qu’il ait décidé de la limiter.
Cette résistance a pris plusieurs visages : résistance intellectuelle ou spirituelle, résistance militaire, aide à la fuite des personnes recherchées en les faisant passer en zone libre ou en fournissant de faux papiers.
Une résistance interreligieuse s’est mise en place. Les chrétiens aidaient les juifs, les musulmans y ont pris part comme Abdelkader Mesli, imam à la mosquée de Paris. Il a sauvé de très nombreux juifs et leur a délivré des certificats d’appartenance à la religion musulmane, en collaboration avec le recteur Sid Kaddour Ben Ghabrit.
Les religieux furent nombreux à payer leur refus de se soumettre. Ils furent arrêtés, torturés, déportés, sauvagement assassinés.
Partout cette résistance se manifesta : dans les églises lors des prêches, dans les monastères et les couvents, en Allemagne au sein du STO…
L’auteur évoque une multitude de religieux et religieuses qui ont œuvré pour maintenir une forme d’humanité, parmi lesquels émergent certaines figures, comme celle de l’abbé Pierre, celle de l’amiral Thierry d’Argenlieu, moine de l’ordre des Carmes, celle de l’imam Mesli cité plus haut, celle du rabbin Klein.
Les risques étaient immenses :

La basilique était constamment visitée par des officiers ou soldats allemands. À tout moment, le danger était présent et immédiat. Ils étaient toujours autour de nous. Personne d’autre que les religieuses ne sait que je suis juif. Mais les sœurs le savent. Et elles savent qu’elles sont en danger parce que n’importe qui peut découvrir que je suis juif. N’importe qui peut alors se retourner et dire aux sœurs : « vous cachez un juif, vous allez avoir des problèmes. » Mais les sœurs ont gardé le secret. Ainsi, Lakritz est resté en sécurité pendant 18 mois. En août 1944, la France a été libérée et Lakritz aussi.

Aujourd’hui, alors que partout dans le monde les conflits religieux opposent les hommes, il est primordial de se souvenir qu’il fut un temps où les trois religions du Verbe luttèrent ensemble contre la pire des horreurs en défendant les valeurs de liberté et de fraternité qui doivent être partagées par tous. La lecture de ce livre nous ouvre cette réflexion.

Lefebvre-Filleau, Jean-Paul, Les résistants de Dieu : chrétiens, juifs et musulmans unis contre le nazisme en France occupée, Le Rocher, 27/04/2022, 1 vol. (539 p.-4 pl.), 24€

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Robert Mazziotta

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