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« L’or de Jérusalem », drame romain sur fond de révolte

Nathalie Cohen, L’or de Jérusalem, Flammarion, 26/02/2025, 320 pages, 22€

Comment mieux accéder aux enseignements de la grande Histoire qu’en y recourant par le biais de la fiction ?
C’est l’objectif aujourd’hui, de plus en plus répandu, du thriller historique qu’a choisi de décliner Nathalie Cohen.
Agrégée de lettres classiques et spécialiste en judaïsme hellénistique comme en patristique grecque, l’autrice disposait de précieux atouts pour y parvenir. Et c’est dans le sillage d’Un fauve dans Rome, puis de La Secte du Serpent, que celle-ci poursuit sa série « Modus operandi » avec L’or de Jérusalem.
Le genre même d’enquête policière antique qui, par-delà l’intrigue à multiples rebondissements, a l’art de nous replonger dans une réalité historique par beaucoup ignorée. Ainsi pour situer le contexte du récit débutant en l’an 66, deux ans avant la fin du règne de l’empereur Néron. Et se remémorer – ou apprendre –  qu’à cette époque-là, l’Empire romain comptait soixante millions d’habitants et s’étendait du Rhin à l’Asie Mineure et aux rives de la Mer Noire, jusqu’à la Syrie, la Judée, l’ouest de l’Arabie, l’Égypte, la Libye et l’Afrique du Nord. Toutes ces régions ayant statut de provinces, soumises à Rome et administrées par des fonctionnaires impériaux, gouverneurs et procurateurs.
C’est à l’apogée de la toute-puissance romaine que l’autrice situe donc sa fiction, avec Marcus Tiberius Alexander, comme principal protagoniste déjà apparu dans Un fauve dans Rome.

Exil en Judée

Dans ce nouveau volet, celui-ci est désormais devenu le compagnon de Gaïa, l’ancienne Vestale, avec laquelle il a eu un fils, Alexander et il est toujours l’objet de la rancœur tenace du frère de Gaïa, Lucius Cornelius Lupus.
Quand l’histoire commence, on apprend qu’en réalité le petit Alexander est le fruit du viol de la Vestale par rien moins que l’Empereur Néron lui-même. Et elle doit fuir Rome puisqu’une Vestale doit rester pure et vierge sous peine de mort.
Dans cette course à l’exil, quel refuge peut-il être plus doux pour elle que celui du pays des juifs, la Judée, dont elle connaît le culte et les lois ?

Éblouie par le soleil de midi qui inondait la cour des femmes, Gaïa rabattit son péplos de lin beige sur son visage. Jérusalem la blanche resplendissait dans sa lumière dorée, prise entre l’immense palais d’Hérode et ses trois tours, plantées sur la colline de Sion à l’ouest et le mont du Temple avec son halo d’argent, à l’est. L’ancienne vestale, qui avait pourtant l’habitude des merveilles de Rome en eut le souffle coupé. La beauté de l’ouest donnait le change à la magnificence de l’Est.

Mais cette idée de trouver refuge en Judée est-elle si inspirée, tandis que des révoltes et des séditions éclatent dans différentes provinces que l’occupant romain a le plus grand mal à maîtriser ?

Une fiction instructive

C’est au milieu de cette agitation que Lucius Cornélius parviendra à enlever le petit Alexander dont il compte bien se servir pour faire chanter Néron en personne
D’un côté donc, un frère avide de pouvoir et d’or lorgnant les vers richesses du Temple comme bien d’autres romains et de l’autre le mari Marcus, seulement attaché à son épouse et à son fils, fût-il le fils d’un autre, fruits d’un unique bonheur.
De sorte qu’à travers cette intrigue, l’autrice réussit non seulement à nous faire pénétrer dans les arcanes de la politique impériale romaine mais encore parmi les luttes internes entre factions juives, sans oublier le bouillonnement religieux d’où émergeront le judaïsme rabbinique et le christianisme.
Telles sont les données de ce thriller à suspense des temps anciens dont les données historiques se répercutent à distance sur la situation actuelle.
Avec l’omniprésence tout au long des chapitres du personnage principal qu’est le Temple, édifice sacré pour les Juifs, dont il ne reste désormais qu’un grand mur aux pierres disjointes dans les interstices desquelles les croyants glissent leurs prières sous forme de minces rouleaux de papier.

De l’endroit où Marcus se trouvait, il n’avait pas la vue sur la totalité des bâtiments composant l’enceinte sacrée. Seul le Temple apparaissait à l’extrême ouest, avec ses murs scintillants. Au-dessous du toit se trouvaient les deux chambres les plus sacrées du judaïsme, dont sa mère lui avait parlé quand il était enfant. Seule la catégorie de prêtres que les Juifs appelaient Cohanim avait le droit d’y pénétrer.

 Bref, une fiction concise, haletante et à bien des égards instructive sur les aléas de l’histoire juive contemporaine.

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Rarement un roman ne donne l’impression d’entrer à la fois dans une maison, un village et une mémoire comme Kaïssa, chronique d’une absence.

Dans les hauteurs de Kabylie, on suit Kaïssa, enfant puis femme, qui grandit avec un père parti  en France et une mère tisseuse dont le métier devient le vrai cœur battant de la maison. Autour d’elles, un village entier : les voix des femmes, les histoires murmurées, les départs sans retour, la rumeur politique qui gronde en sourdine. L’autrice tisse magistralement l’intime et le collectif, la douleur de l’absence et la force de celles qui restent, jusqu’à faire de l’écriture elle-même un geste de survie et de transmission.

Si vous cherchez un roman qui vous serre le cœur, vous fait voir autrement l’exil, la filiation et la parole des femmes, ne passez pas à côté de Kaïssa.

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