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Ce premier volet d’une trilogie, centrée sur Mussolini, a été récompensé par le prestigieux prix littéraire Strega en 2019. Cette fresque historique dense nous plonge dans les prémices de l’ascension du fascisme en Italie pendant l’entre-deux-guerres.

Antonio Scurati nous offre une chronique très détaillée qui suit les pas de Mussolini, mais également d’une galerie de personnages variés : fascistes, socialistes, membres du gouvernement italien. Le récit, construit à l’image d’un journal de bord chronologique et quasi quotidien des événements, débute en 1919, année de la fondation des Faisceaux italiens de combat par Mussolini. C’est de cette organisation – qui a donné naissance au terme « fascisme » – que naîtra le Parti national fasciste en 1921. Ce premier tome s’achève au début de l’année 1925, après l’assassinat du socialiste Giacomo Matteotti. Ces passages romancés sont entrecoupés d’archives authentiques multiples : articles de journaux, circulaires gouvernementales, télégrammes, procès-verbaux de police, qui révèlent un travail de documentation rigoureux de la part de l’auteur.
« M l’enfant du siècle » nous présente la montée du fascisme, nouveau courant politique, dans l’Italie de l’entre-deux-guerres. L’accent est mis sur la rupture entre Mussolini et les socialistes italiens. Pourtant, au départ, le pari politique du futur dictateur est loin d’être gagné. Son mouvement compte en effet seulement quelques « centaines de membres » au début des années 1920, face à un parti socialiste de masse mais qui est profondément divisé sur la question de la révolution bolchevique. Mussolini le comprend et c’est une course au pouvoir qui s’engage entre les deux forces politiques. L’enjeu de cette lutte est une révolution qui doit transformer la société. Mais si pour les uns elle doit être socialiste pour les autres elle sera nationaliste. Malgré les premiers échecs électoraux, Mussolini apparaît calculateur, stratège et opportuniste, s’appuyant sur des figures populaires comme le truculent poète Gabriele d’Annunzio, dont l’aventure éphémère fiumaine – de la ville de Fiume, actuelle Rijeka en Croatie – lui inspire la Marche sur Rome en 1922. Scurati l’affirme dans un article du « Point » de 2020 :

Mussolini est le père des leaders populistes, le premier à créer un leader qui ne précède pas le peuple avec des objectifs inaccessibles, mais le suit, renifle ses humeurs pour les alimenter. […] Il n’a aucun programme, aucun principe, il est le vide qui se remplit du peuple.

Le fascisme s’est nourri de la puissance de haine née de la Première Guerre mondiale et de ses conséquences. L’auteur semble reprendre la thèse de la « brutalisation » des sociétés européennes, forgée par George Mosse en 1989 et observée par Stephan Zweig dans ses « Mémoires ». Pour l’historien, le premier conflit mondial a permis une « banalisation » de la violence que l’on retrouve bien chez les fascistes, dont les premiers membres sont les « Arditi », qui ont fait du combat au corps à corps une spécialité. Or, après 1918, ces « héros ont regagné furtivement la vie civile », perdant leur utilité sociale dans un contexte à nouveau pacifié. Mais ils restent profondément marqués par ces années de tranchées pendant lesquelles se sont renforcés le nationalisme et le culte de la virilité. L’ouvrage est en effet scandé de scènes narrant les expéditions punitives des fascistes contre les coopérations socialistes des régions agricoles du pays. La violence, « sage-femme de l’Histoire », expression que l’on prête à Karl Marx, devient un outil politique, plus efficace et légitime que les élections pour s’emparer du pouvoir.

C’est avec impatience que nous attendrons la traduction française du deuxième volet « M, L’uomo della provvidenza », sorti en Italie en 2020, qui couvre la période de 1925 à 1932.

Marine MOULINS
contact@marenostrum.pm

Scurati, Antonio, « M, l’enfant du siècle », traduit de l’italien par Nathalie Bauer, Les Arènes, 26/08/2020, 1 vol. (860 p.), 24,90€.

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