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Benoît Rossignol, Marc Aurèle, Perrin (collection Tempus), 22/05/2025, 928 pages, 14,90€

Dans son magistral ouvrage « Mémoires d’Adrien », Marguerite Yourcenar nous avait enchantés dans cette confession d’un empereur, au seuil de son trépas, qu’il offrait à son petit-fils adoptif Marc Aurèle. Sous la plume de l’académicienne, on sentait déjà l’importance de la personnalité du futur maître de Rome. La postérité prouvera qu’Adrien ne s’était pas fourvoyé en imposant à l’Empire son successeur et le dauphin de celui-ci.
Après une longue période d’instabilité, de conflits fratricides et de cruels assassinats, une accalmie se produit. Il est vrai qu’il est difficile de faire mieux que Tibère, Caligula ou Néron. Après avoir assagi la Curie, Vespasien le militaire instaure une nouvelle lignée, débutée sous Trajan. Les historiens se déclarent en tout point sur la même longueur d’onde pour affirmer que celle-ci, que l’on appellera plus tard la dynastie des Antonins, restera dans l’histoire antique comme l’âge d’or de Rome.


Benoît Rossignol est historien spécialiste de la période romaine et son immense production fait foi de sa passion pour Rome et son empire. Dans sa biographie dédiée au dernier des Antonins, on palpe son engouement, son travail poussé jusqu’au paroxysme pour nous présenter un « Marc Aurèle » de près de mille pages.
S’appuyant sur de très nombreux documents, dont certains en latin, il a su donner à son héros le relief que celui-ci méritait. Loin de paraître pesant et didactique, utilisant la pléthorique correspondance de Marc, il nous expose dans un style accessible à tous la vie trépidante et difficile d’un « Imperator ».
Bien que né dans une bonne famille de patriciens, le jeune Marc ne se doute pas dans sa jeunesse qu’il est appelé aux plus hautes fonctions. Néanmoins, ses parents et ses oncles le préparent, par la présence d’illustres précepteurs, à occuper un poste de qualité dans les méandres du pouvoir. Très tôt initié à la philosophie, le futur maître du monde se complaît dans ce milieu d’art et de discussions à bâtons rompus avec des maîtres de haute facture. Adrien, dont la personnalité est un savant mélange de bonté et de décisions implacables, prépare très tôt la succession au trône de Rome. Pour ce faire, il a déjà prévu de céder la couronne de lauriers à Antonin, dont les défauts se comptent sur les doigts d’une main. Façonné par son mentor, le futur empereur s’adonne avec vertu à sa prochaine responsabilité, sachant qu’Adrien a verrouillé le système en imposant Marc à la suite d’Antonin. Ce dernier ne manquera pas de marier sa fille Faustina au jeune Marc afin d’assurer une continuité légitime.


Sous le règne de son père adoptif et beau-père, Marc Aurèle, tout en s’exerçant aux réalités du futur pouvoir, parfait son savoir philosophique au milieu des plus grands stoïciens de son temps. Il entame des relations épistolaires avec des savants de tous horizons et dont une grande partie de leurs travaux nous est heureusement parvenue. Vivant le parfait amour auprès de son épouse, celle-ci lui donne de nombreux enfants. Tout semble réussi et c’est vraiment le cas. Antonin, en fin de règne, adopte Vérus, un consul et en fait le futur co-empereur de Marc.
Au décès d’Antonin, passé très justement à la postérité avec son surnom « le pieux », rend son âme aux Dieux en 161 après Jésus-Christ. Sans coup de force, en douceur dirions-nous aujourd’hui, les deux empereurs montent sur le trône d’Auguste. Ils vont gouverner conjointement et en bonne intelligence jusqu’à la mort de Vérus en 169. Durant cette période, de nombreux évènements vont secouer Rome, et non des moindres.

Aux confins de l’Empire, des peuplades commencent à montrer les dents, leur violence attisée par la relative passivité d’Antonin. C’est donc de multiples campagnes qui vont alourdir l’ambiance de la capitale romaine. De partout, Bretagne, Maurétanie, Thrace ou Arménie, des raids meurtriers et démoralisateurs jettent une ombre néfaste sur la quiétude italienne. Il faut sévir avec l’envoi de troupes aguerries mais pas toujours victorieuses. Les traîtrises mènent grand train parmi les militaires désireux, sinon de s’emparer de la couronne, au moins de se tailler une part du gâteau impérial. Désirant la paix, les deux empereurs doivent se résoudre à mener bataille pour châtier ceux qui en veulent à la « pax Romana ».

En 169, Vérus décède, sans doute à cause d’une sévère épidémie de peste qui sévit dans tout l’empire. Marc Aurèle doit alors faire face avec fermeté aux malheurs, nombreux, qui risquent de détruire ce que ses prédécesseurs ont bâti avec acharnement. Aussi, la pandémie dont les effets ne cessent de détériorer les flux commerciaux commence à affaiblir le socle du pays. Une fois celle-ci disparue, Marc Aurèle prend, accompagné de son épouse, le chemin des frontières de l’est afin de participer, en tant que chef suprême, à la destruction des voisins de plus en plus hostiles et entreprenants. C’est au cours de l’un de ses voyages que Faustine décède. Nous sommes en 175. Pour l’empereur, c’est une perte irremplaçable et il aura beaucoup de mal à se remettre de sa disparition. Fort heureusement, ses études philosophiques et son stoïcisme auront raison de sa peine.

On a beaucoup parlé, pour ne pas dire jasé, sur la cruauté de Marc Aurèle vis-à-vis des Chrétiens, sous prétexte que le martyr de Blandine et de ses compagnons s’est produit durant son règne. C’est mal connaître l’homme et son époque. S’il a raté le rendez-vous avec la chrétienté, c’est plus par ignorance du sujet que par désir de nocivité. En effet, il est difficile de croire qu’un évènement situé à Lyon ait pu attirer son attention. Néanmoins, il serait injuste de penser qu’il a voulu le bien des adeptes de cette nouvelle croyance qui l’ennuyait plus qu’elle le gênait.
En 180, Marc Aurèle se déplace de nouveau pour mater une énième agression, celle-ci en Pannonie. Durant le trajet, il tombe subitement malade et décède brusquement. C’est son fils qui lui succède, qui n’a de Commode que le prénom. Repoussant toutes les paroles des conseillers de son père, il mettra en œuvre une nouvelle politique, faite en grande partie grâce à une violence débridée et à un concept du pouvoir dans lequel la philosophie n’a plus sa place.

Image de Chroniqueur : Renaud Martinez

Chroniqueur : Renaud Martinez

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