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François Ceresa, Pavillons noirs, les joyeuses et terribles aventures des derniers flibustiers français aux Antilles, Paris éditions, 13/02/2025, 208 pages, 17€

Pourfendeur iconoclaste de la prose pour marins d’eau douce, le capitaine Ceresa règne sur le navire-amiral Service littéraire, unanimement craint des plumitifs de fortune et des armateurs distillant une soupe populaire agace-neurones. Sa noble indépendance a bâti sa légende, ornée d’une ribambelle de distinctions ne devant rien à la camaraderie des restés-à-quai, si prompts aux collusions de comptoirs et à l’arrangement de bout de table. Remontant plus sûrement à Errol Flynn qu’au ouistiti juché sur l’épaule – ne le dirait-on pas échappé de L’Aigle des Mers ou du Capitaine Blood? -, François Ceresa sillonne la vie littéraire, abordant intrépidement les contrées inconnues. Les rampants le disent féroce, les tremblants minaudant volontiers sur son esprit résolument libre, qualificatifs qui désignaient hier encore, chez les âmes bien montées, courage et intelligence. Grand amateur des duels au soleil (Total western) et de la bravoure drapeau blanc ou aux-trois-couleurs (Dictionnaire égoïste du panache français), la flibuste ne pouvait le laisser indifférent et nous voilà aujourd’hui embarqués à sa suite, sous Les Pavillons noirs (édition de Paris), à la découverte des « joyeuses et terribles aventures des derniers flibustiers français aux Antilles ».

Une bonne histoire, c’est d’abord un bon héros. Celui-ci porte le même prénom que l’ancêtre du capitaine Haddock, que ni l’auteur ni son panégyriste ne sauraient renier. François de Maillereau, donc, rêve d’une vie sabre en pogne, d’abordages en haute mer, de coffres aux merveilles. Rappelons ici aux plus jeunes que les Français étaient ainsi avant d’être confrontés au mirage des airs tétés et au soutien poil-à-la-main du RSA et de ses dérivés cache-misère. Plein d’appétit, jusqu’à croquer le séant de L’Olonais, fier tripier des mers du sud, Maillereau laisse une fesse dans l’aventure, gagnant ainsi le sobriquet de Capitaine Borgnefion. L’air du large rend malicieux, tel ces matelots reprochant au commandant de bord de « les mener en bateau », sans oublier ce clin d’œil ad hoc : « Sanzot, boucher équarrisseur à Port-au-Prince, connu de tous les flibustiers des Caraïbes », mille millions de mille sabords ! Vous ne serez donc pas étonnés d’y croiser Macron « un petit sapajou qui n’écoute jamais ce qu’on lui dit ! » L’homme descend-il du singe ou y remonte-t-il ? Darwin en mangerait sa sainte-barbe. Une douce sagesse égaye encore ces pages portées par une langue suave où l’argot est roi :

Une vengeance trop prompte n’est plus une vengeance, ce n’est qu’une riposte. Une vengeance digne doit être longue et infinie. On se prépare les paluches, on s’aiguise le bout des tatanes. », lorgnant anthropologie avec cette définition criante de vérité du parisien : « mec hostile, arrogant, fier de lui, déplaisant, une vanité de maquereau de groseille, toujours en train de la ramener, de fanfaronne.

Le capitaine Ceresa ne craint pas de faire des vagues. Sans doute a-t-il réellement commandé un pirate jadis, flanqué de ses frères de la côte, Louis Nucéra, Alphonse Boudard ou José Giovanni, augmentés de mousses costauds taillés avec les patrons de Michel Audiard, Frédéric Dard ou Maurice Druon pour le secrétariat perpétuel.
Qu’importe, l’aventure, comme l’océan irrésolu, emporte tout sur son passage, de l’île de la Tortue au lac du Nicaragua, et nul ne s’étonnera d’y croiser, dans un ultime souffle valant rafale d’un espiègle zéphyr, Colbert junior ou le très digne Louvois, secrétaire d’État à la guerre, à une époque où le Royaume en abusait, certes, mais triomphait si souvent. Une galerie de brindezingues, le solide capitaine Roc, Flynn, Robin des bois des mers chaudes, Pan Pan Bagna, Pisse-Partout, hérésie et énurésie, complétée par « un unijambiste blazé Triple-Pattes et un colosse noir bombardé Chou-Blanc », aux biceps comme des noix de coco, portent un texte allumé à l’iode radioactif. Truculent, rabelaisien, drolatique : c’est-y comme ça qu’on jactait à la taverne de Morgan l’a fait ?
Le mot de la fin appartient au capitaine Ceresa, seul maître à bord après Dieu, lequel ne doit pas trop s’y attarder : « cette odyssée en marge de l’Histoire, où se mêlaient anarchisme, appât du gain, langage argotique, patriotisme et conquêtes chimériques », que de gros mots ! donne le mal de terre et soif d’aventures.

 À l’abordage, cornes de boucs !

Image de Chroniqueur : François Jonquères

Chroniqueur : François Jonquères

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