Molière – Boris Donné

Le quatrième centenaire de la naissance de Molière est l’occasion de se pencher sur la vie et l’œuvre de celui qui a donné à la comédie ses lettres de noblesse.

Tous les écoliers du pays le connaissent. Sa gloire dépasse nos frontières. La langue française porte son nom. Et pourtant, depuis sa naissance il y a quatre cents ans, Molière reste une énigme. Si universellement célébré qu’on oublierait savoir si peu de choses certaines à son sujet. Qui es-tu, Molière ? s’interroge Boris Donné dans cette courte et vivifiante biographie d’un de nos plus grands auteurs comique.

Normalien, Boris Donné fait preuve aussi bien de concision que de pédagogie dans un rigoureux plan en trois chapitres – l’ancien khâgneux en moi sourit. Tous les enseignants de lettres modernes devraient lire ce Molière, pour leur curiosité et le profit de leurs élèves. Sur son enfance, sa formation, sa vocation, nous ne savons presque rien. Guère davantage sur ses débuts avec l’Illustre théâtre. « Molière n’aurait-il pas veillé lui-même à ne pas laisser de traces ? » se demande l’auteur. On doit à MM. Vivot et de La Grange, des amis intimes, un des premiers récits de sa vie. Mais, répondant aux attaques contre leur ami, « leur préface est à la fois un éloge et une apologie ». En 1705, la Vie de M. de Molière de Grimarest paraît tout aussi lacunaire voire fallacieuse. Comment procéder alors ? Dans une savante alchimie, l’universitaire parvient à retracer les grandes lignes de la vie du dramaturge – bibliographie significative à l’appui –, à poser quelques prudentes conjectures quand les informations manquent, tout en décryptant les œuvres les plus significatives pour comprendre le personnage. Le personnage, certainement, car Molière est le nom que se choisit Jean-Baptiste Poquelin en embrassant la carrière théâtrale. Il ne confond toutefois jamais complètement avec les personnages qu’il crée et qu’il interprète sur scène, mais « sans s’identifier complètement à ces “fantômes” (c’est par ce terme significatif qu’il définit ses personnages dans L’Impromptu de Versailles), il se livre à travers eux à un exercice de simulation existentielle qui lui permet d’explorer ses fantasmes, ses hantises, ses répulsions, de donner forme à des aspects latents de sa personnalité et de sa vie intérieure ».

Avec rigueur, Boris Donné enquête. Les années de formation en province, notamment en Languedoc, permettent à Molière de se constituer un répertoire de pièces, pas seulement comique, et d’observer la bourgeoisie et la noblesse provinciale dont il a su, par la suite, donner une peinture de caractères si fidèle et qui a favorisé le succès son succès. Succès tardif, puisqu’il commence par la création des Précieuses ridicules en 1659 jusqu’au Malade imaginaire en 1673, soit les quinze dernières années de sa vie. Notre homme est un des moralistes du Grand Siècle. C’est l’homme qu’il étudie dans son œuvre, selon l’adage classique Castigat ridendo mores. Il le rappelle dans la préface de Tartuffe : « Le devoir de la comédie étant de corriger les hommes en les divertissant, j’ai cru que dans l’emploi où je me trouve je n’avais rien de mieux à faire que d’attaquer par des peintures ridicules les vices de mon siècle ».

Si son comique est toujours aussi efficace aujourd’hui, on aurait tort de s’étonner de la pertinence de ses sujets. L’hypocrisie, les faux-semblants, l’émancipation des dogmes, sont des thèmes transversaux dont l’actualité aujourd’hui ne cesse de nous rappeler la pertinence. Cette courte biographie de Molière donne plus que jamais envie de relire et de revoir ses pièces à la lumière de ce que nous apprend Boris Donné.