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Gautier Mornas & Loïc Bonisol, Ni sainte ni touche ! : dictionnaire décalé du vocabulaire tiré de la Bible, de l’histoire de l’Eglise et de l’argot ecclésiastique, Le Cerf, 16/03/2023, 1 vol. (232 p.), 19,90€.

À l’heure où l’Occident se croit déchristianisé, ce nouveau dictionnaire illustré, souvent drolatique, Ni sainte ni touche ! témoigne de la permanence de la culture chrétienne, de la Bible et de l’Église dans la langue française.

Tous deux prêtres, les auteurs mesurent pleinement la richesse de cet héritage dans nos expressions quotidiennes. Rattaché au département “Art sacré” de la Conférence des évêques de France, Gautier Mornas est déjà l’auteur de Dieu dans la pub (Cerf, 2016) ; Loïc Bonisoli est organiste, peintre, et auteur de Va et prêche (Cerf, 2017), Et toi, comment lis-tu ? (Cerf, 2022). Esprits éclectiques, ils se sont approprié la demande de Jésus à ses apôtres d’enseigner (Mc 16, 15-20) et ils actualisent avec pédagogie l’esprit et la permanence de la Bible. Ainsi, de la poétique expression “la part des anges” (qui évoque l’évaporation de l’alcool durant son vieillissement) au “bouc émissaire” (celui qui paie la faute pour d’autres), en passant par les familières “avoir une face de carême” (montrer un visage triste et pâle), “l’habit ne fait pas le moine” (ne pas se fier aux trompeuses apparences) ou “ne pas être mère Teresa” (manquer de générosité), ce sont 450 expressions qui n’auront plus de secret pour vous.

Depuis la mode (un peu exaspérante) des dictionnaires amoureux, même les esprits les plus obtus reconnaissent désormais que ce sont des livres passionnant à lire, parfois in extenso, car ils révèlent la personnalité de leurs auteurs. Loin d’être rébarbatives, les notices savantes de Ni sainte ni touche ! dévoilent pleines d’humour, ponctuées par les dessins de Loïc Bonisoli. Ils pourraient trouver leur place dans la presse quotidienne par leur acuité. Ces illustrations ancrent dans la modernité la plus prosaïque les locutions les plus traditionnelles, comme cette reproduction de la cène, Jésus debout, les bras levés, initiant la transsubstantiation au moment de cette communion initiale ; et un apôtre de répondre “On est certain de la traçabilité ?”. Comme tout bon dictionnaire, les exemples d’emploi s’illustrent également par des citations, souvent profanes, des Évangiles à Julien Gracq, de Paul Verlaine à Jean-François Kahn.

Les promoteurs d’une novlangue, censée être plus inclusive, se battent à la fois contre l’histoire et la culture, c’est-à-dire contre l’usage et la nuance. Ouvrir un dictionnaire, c’est au contraire faire preuve d’une insatiable curiosité. Qui ne s’est pas déjà surpris, vérifiant le sens d’un mot à le feuilleter et lire bien d’autres articles que le mot recherché ? L’esprit de curiosité préside l’intelligence, souveraine pour remettre en cause les idées reçues bêtement ânonnées. L’ignorance ne sait que « déconstruire » à coups de préjugés tout aussi fallacieux. On appréciera donc la démarche salutaire de dominicains Gautier Mornas et Loïc Bonisoli d’offrir aux profanes une porte d’entrée dans une histoire pluriséculaire qui irrigue toujours – et pour longtemps encore – nos paroles quotidiennes.

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Chroniqueur : Marc Decoudun

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