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Christelle Balouzat-Loubet, Philippe VI : le premier des Valois, Passés composés, 04/10/2023, 1 vol. (251 p.), 21€.

Si l’on pose la question aux Français : “connaissez des noms de rois qui ont fait la France ?”, il est vraisemblable que d’aucuns citeront Louis XIV, Saint Louis ou Henri IV. On entendra plus rarement le nom de François 1er, Philippe le Bel et Louis XI. Certains, à la lecture de Charles V, Philippe Auguste ou Louis-Philippe, fronceront le sourcil car les tréfonds de leur mémoire ont peut-être entendu ce prénom. Par contre, il est manifeste que d’autres sont passés à l’as de l’histoire par la porte de derrière. Philippe VI fait partie de ces monarques dont le règne n’a retenu que peu d’attention. Et pourtant !

Un coup du destin

Rien ne prédispose, bien au contraire, Philippe de Valois à s’asseoir sur le trône des Capétiens directs. Ses cousins, issus de germains, s’en chargent très bien. Cela n’empêche pas le jeune Philippe de côtoyer au plus près le cercle restreint de la couronne. Les responsabilités acquises au cours du règne de la famille le prédisposent à occuper le cas échéant des fonctions plus importantes.
Mais voici que le destin s’en mêle de manière aussi brutale que rapide. Louis X le Hutin, Philippe V le Long puis Charles IV le Bel, rendent leur âme au Créateur sans laisser de descendance mâle vivante. Bien que la loi salique – qui interdit à tout prétendant issu de femelle l’accession au trône – ne soit pas clairement inscrite dans les bréviaires, les pontes royaux jettent leur dévolu sur le Valois qui accède à la législature suprême. Le tour est joué ? Pas si facile !

Le premier des Valois

Philippe de Valois, désormais Philippe VI roi de France doit rapidement composer avec ceux qui avaient misé sur un autre cheval. Il se doit d’imposer une nouvelle dynastie. Celle-ci donnera encore douze rois à la France. C’est compter sans l’impétuosité de sa cousine Isabelle, digne fille de Philippe le Bel et sœur des trois précédents monarques. Mariée au roi d’Angleterre Édouard II, elle est mère du futur Édouard III pour lequel elle brigue la couronne de Saint Louis. Plus près, le duc de Bourgogne et le roi de Navarre prétendent également à la même charge. C’est donc dans une atmosphère pour le moins délétère que Philippe doit gouverner, maniant aussi bien la caresse que le bâton.
Intelligent, pragmatique, le roi sait s’entourer d’un aréopage de conseillers et de familiaux dont la destinée est désormais entièrement liée à la sienne.

Guerre de Cent Ans et autres vilenies

Édouard, prince de Galles, accepte de venir en France pour présenter ses hommages à Philippe VI dans une relation de vassal à suzerain. En sous-main, Isabelle tanne son fils pour qu’il revendique le trône des lys. Après moult tergiversations et un titre de roi d’Angleterre, l’Anglais exige la France, rien de moins. Les Valois sont partis pour 119 ans d’une guerre qui dévastera une partie du royaume.
Philippe a-t-il imaginé que sa dynastie naîtrait et s’affirmerait d’une querelle aussi longue ? En tout cas, il affronte le problème avec courage et vigueur, même si les résultats ne sont pas toujours au rendez-vous. Après avoir levé le ban et l’arrière-ban, appuyé par son beau-père le roi de Bohème, le roi de France décide de mener le combat pour chasser la Perfide Albion. Las ! Infatuée par sa prétendue expérience militaire, la fine fleur de la chevalerie française se fait écraser à Crécy par un ennemi largement inférieur en nombre. Il faut toute la poigne du Valois pour maintenir son pouvoir sur une France dévastée par les pillages et les atrocités.
Comme si cela ne suffisait pas, un phénomène mondial mais qui touchera particulièrement la France apparaît, fulgurant. La peste noire, à la vitesse d’un cheval au galop, récolte sa part de morts sur un territoire déjà éprouvé. Dans certaines régions, plus de la moitié de la population passe de vie à trépas en quelques mois.

Entre force de caractère et abandons

L’histoire de France ne connaît pas beaucoup de chefs qui ont su préserver leur héritage en dépit des circonstances – on l’a vu – aussi implacables. Pourtant, à force de pugnacité, de décisions savamment étudiées mais également de périodes de légitime lassitude, Philippe VI de Valois va s’imposer à la France et bâtir le socle inébranlable de ses futurs descendants. Associant judicieusement son fils Jean aux arcanes du pouvoir, il va ainsi lancer une pierre vers la route sinueuse du destin de la royauté.

La clef de voûte du lys

Christelle Balouzat-Loubet, en historienne avisée, n’a pas choisi par hasard le héros de sa biographie. Dans un style concis, surprenant mais exempt de paraphrase, elle met volontairement le doigt là où pêche notre culture. Elle fait sortir, par son étude particulièrement réussie, ce personnage d’un oubli coupable. En effet, Philippe VI de Valois méritait mieux qu’un nom anonyme dans la longue liste de rois de France.

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Chroniqueur : Renaud Martinez

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