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Après avoir ressuscité l’Italie des années 1970 et exploré la spiritualité dans un monastère pyrénéen (La Piste Pasolini, Les bons garçons et Des âmes simples, aux éditions des Équateurs), Pierre Adrian publie chez Gallimard Que reviennent ceux qui sont loin. Vacances aoûtiennes et familiales au fin fond de la Bretagne.

Après des années d’absence, le jeune narrateur revient passer quelques semaines dans la propriété bretonne où toutes les branches de la famille se retrouvent chaque été. Les générations se mélangent, de l’aînée, bientôt centenaire, aux plus jeunes cousins dont les noms avaient été presque oubliés. Des vacances idéales où le temps se confond un moment avec l’horizon : infini.

Les jours se succédaient sans événement, tous semblables au jour précédent. Il ne se passait rien. La matinée s’allongeait jusqu’au déjeuner de treize heures. L’après-midi se confondait en sieste et en lectures. La fin de la journée se déroulait sur le sable où les jeunes parents occupaient depuis longtemps leurs enfants.

C’est un sentiment étrange que de lire Pierre Adrian, 31 ans. Son écriture semble le vieillir avant l’âge. Il a la nostalgie du passé de ceux qui n’ont pas encore suffisamment vécu et la sage distance patinée de ceux qui ont connu trop d’années. Peut-être est-ce la marque de l’écrivain. À la manière des romans de Colette, que j’adore aussi, le récit n’est pas porté par un grand souffle romanesque. Le sac et le ressac de la mer rythment la narration à mesure que l’on tourne les pages et, sans s’en apercevoir, on est déjà à la fin. Comme dans la vie.
Aux souvenirs succèdent les retrouvailles estivales, les amours adolescentes inassouvies et les premières audaces. Le narrateur retrouve l’enfant qu’il a été dans la gravité du petit Jean, son cousin, et dans son insouciance puérile. Quant à Anne avec qui il jouait sur la plage, elle lui offre le goût salé du plaisir.

Maison de Colette à Roz Ven
Maison de Colette à Roz Ven

Nous évoquâmes ensemble des souvenirs. L’enfance nous rassemblait. La discussion était confortable, nimbée de la certitude du passé, de sa rassurante fixité. Elle était douloureuse à la fois puisque nous ne revivrions plus jamais ça. Mais je ne croyais plus que les souvenirs ressassés étaient du temps perdu.

Le retour dans cette maison commune où chacun expérimente la liberté est une forme de retour aux sources pour ce narrateur « incapable de savoir ni de dire d’où [il] étai[t] », perdu entre le monde de l’enfance à laquelle il n’appartient plus et l’insécurité du monde des adultes.

Aussi, j’avais compris que je ne devais plus écouter ceux qui disaient que j’étais encore un jeune homme. Je ne me sentais plus comme tel et, chaque jour, Jean et ses cousins me l’avaient rappelé. J’avais fini d’être un fils. J’étais un père sans enfant.

Tout aussi en suspens, ce mois d’août en Bretagne, l’entre la perspective d’un long farniente et l’urgence de vivre avant que la rentrée n’emporte l’été comme la marée les serviettes sur le sable. « La dernière quinzaine d’août était le temps de la confusion, des jours en suspension. La jouissance laissait la place aux résolutions, le désordre à l’organisation. » Tout vivre en quelques jours, avant que le temps ne reprenne son cours. Mais certains ont plus de temps que d’autres…

À la manière des memento mori, Que reviennent ceux qui sont loin pourrait être l’esquisse littéraire d’une vanité. Jamais le temps ne suspend son vol. Drames et souvenirs se chargent de nous le rappeler. Pierre Adrian aussi, dans le récit de ces vacances, si semblables aux nôtres et pourtant si singulières. Le présent envahit tout jusque dans le refus de l’avenir qui se profile. Il reste à trouver comment en jouir.

Adrian, Pierre, Que reviennent ceux qui sont loin, Gallimard, 18/08/2022, 1 vol. (240 p.), 20€.

Image de Marc Decoudun

Marc Decoudun

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