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Raphaël Sadin, Échos de psaumes, préface de Rav Lionel Cohn, Le Cerf, 09/11/2023, 1 vol. (397 p.), 25€.

Attention ! Prudence ! Terrain miné ! » peut-on lire en incipit de la préface comme pour prévenir à la fois de l’importance de l’ouvrage et du charisme de son auteur philosophe, poète et éminent érudit de la Torah. Avertissement des plus légitimes, tant il est vrai qu’à l’exception peut-être d’André Chouraqui aucun commentateur du psautier n’a atteint le niveau de profondeur exprimé par le rabbin Raphaël Sadin.
Une démarche à forte charge spirituelle qui n’a d’égale que la singularité de sa présentation. À savoir un décryptage métaphysique accolé en vis-à-vis de chacun des cent cinquante psaumes considérés par la tradition judéo-chrétienne comme l’un des livres phares de l’Écriture.
Divisé en cinq parties toutes destinées à traduire l’adoration du fini à l’égard de l’infini, le psautier constamment cité dans la littérature rabbinique aussi bien que chrétienne, accompagne la vie quotidienne de chaque fidèle. Mais en tant que révélation intime du Créateur, ce Tehilim selon l’appellation hébraïque, recèle une incommensurable richesse.
Sa lecture crée un climat, une sorte d’élévation spirituelle comme l’indique le Rav Lionel Cohn dans sa préface. Ce sont les échos de cette présence mystérieuse qui constituent la matrice méditative et poétique de l’ouvrage.

La poésie n’a-t-elle pas pour but de dépasser l’image première, de dégager l’idée qui est cachée dans l’objet pour le situer ensuite dans notre organisation cérébrale, jusqu’à ce que le beau éclate, éclaire l’objet.

Un chant d’âme prophétique

Faire sourdre le transcendant d’une parole éternelle comme s’exhale le parfum d’une rose sera ainsi le commun dénominateur de la contemplation de Raphaël Sadin. Une ambition à l’aune de la place prééminente que constitue le psautier dans l’intégralité du cursus biblique.
Tout à la fois récit de la révélation et déclinaison de la sagesse absolue, les psaumes sont surtout un chant d’âme prophétique assoiffé de Dieu comme le souligne l’auteur.

À l’image d’un volcan crachant la lave éblouissante et de leurs cailloux noirs, les Telihim irradient d’une parole de feu, qui, comme de la musique, bien au-delà des concepts, produit l’alliance de la raison et du frémissement prophétique.

Ces mots soulignés par l’auteur dans son avant-propos témoignent à l’évidence du souffle contenu dans chacun de ces psaumes dont il est nécessaire d’extraire quelques exemples. Ainsi du psaume I, où le premier mot « Heureux » n’est pas relié à celui qui connaît bien la Torah ou obéit à des commandements mais plutôt à l’homme qui prend son plaisir dans l’Écriture biblique et la médite jour et nuit. Ce que Raphaël Sadin transforme de façon aussi mystique qu’allégorique.

Il voltige aux cordes du soleil. Happé par l’aile bleue de l’azur, assidûment, il travaille le sens jusqu’au sang. Alors, il lâche son marteau d’or et se confond aux bruissements des arbres et des rivières… Tu ne peux plus mourir, éclat d’un astre éteint dont la lumière claque la pelure verte des forêts. Je retiens la lave de mes songes, je tremble de l’écho soudain.

"La citadelle à l’horizon du sens"

Une façon inédite d’aborder le mot à mot du récit que l’on retrouve avec autant d’acuité dans le psaume XXIII considéré comme l’un des plus célèbres du psautier. C’est un hymne de confiance utilisant l’image du berger si familière au roi David, qui exprime la consolation et la fidélité. Une notion de bienveillance et de sécurité que l’auteur interprète d’une manière très emblématique.

Il se tient dans l’onde que la joie fait en tricotant la vie. Pris au piège de la rose et de ses feuilles, il lâche un cri transparent où le cristal se cueille. Ses larmes tombent sur la mer calme et lointaine. Il ne ruse pas, défenestrant la vibration du faux, sans le confondre aux frémissements d’amandes sur l’écume des eaux.

Parmi d’autres commentaires tout aussi signifiants, on mettra enfin l’accent sur le psaume XXX, ces versets nous renseignant sur la nature cyclique de la vie qui encouragent le fidèle à la persévérance dans les promesses de Dieu lors des diverses épreuves.

L’infraction de la beauté électrise le visage au paroxysme de la douleur. Au bout des ongles, la flamboyance, tout près des combinaisons, destins multiples. Le rêve est inviolable aux braqueurs de la nuit. Il est la citadelle à l’horizon du sens.

Autant d’échos multiples, fruits de paroles inspirées, qui font de ce recueil de psaumes poétisés par le Rabbin Sadin un appel sacré « dont le seul pouvoir est de donner à voir des luminances tombées du ciel. »

Image de Chroniqueur : Michel Bolassell

Chroniqueur : Michel Bolassell

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