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La poésie est un art délicat à appréhender, à créer, à lire, à comprendre et sans doute encore plus à chroniquer. Pour mettre en lumière « Séduire l’Univers » d’André Velter, il faudrait pouvoir citer des poèmes complets, montrer les vers dans leur étrangeté et leur entièreté, donner à lire des pans entiers de ce recueil polymorphe où chaque page est une surprise sans cesse renouvelée.
Lorsque l’on songe au poète, on imagine souvent un jeune homme tourmenté ou un vieux sage à la barbe blanche, penchés sur des écritoires de fortune, brûlant la chandelle par les deux bouts pour produire quelques vers aux rimes parfaites et aux nombres de pieds exactement identiques. Mais la poésie d’aujourd’hui regorge de poétesses et de poètes en mouvement, tant dans leur mode de vie que dans la poésie qu’ils en extraient et qui s’affranchissent sans remords des règles et des codes.
Poète en mouvement, André Velter l’est depuis toujours, lui qui du haut de ses désormais 76 printemps contemple une vie de voyages au long cours, de marche, d’ascensions, de découvertes, de méditation et donc une vie de poète. Depuis longtemps reconnu dans le landerneau de la poésie française (il a notamment reçu le « Prix Goncourt de la poésie » en 1996 et créée le festival « Le Printemps des poètes »), André Velter n’en poursuit pas moins sa quête d’infini, sa quête de beauté, sa quête de mots.
Mais tout poète, rêveur et voyageur qu’il puisse être, André Velter est pleinement un habitant de la Terre, et quand cette dernière se retrouve mise sens dessus dessous par la soudaineté et la brutalité d’une pandémie mondiale, les projets éditoriaux de notre poète s’en trouvent également bouleversés. C’est ainsi que durant le premier confinement du printemps 2020, André Velter écrit en réaction, en sursaut face au virus tueur, un poème quotidien qu’il décide ensuite de compiler et de publier en introduction du recueil dont il avait prévu la sortie de longue date et que l’arrivée du Coronavirus avait suspendu. Ces poèmes de confinement sont donc rassemblés sous le titre « À contre-peur » et forment une œuvre à part entière qui oppose la beauté poétique à la laideur de la maladie et de la mort et qui offre au lecteur une mise en perspective littéraire des débats hystériques et autres emballements médiatiques. On y lit par exemple, en date du 24 mars, une sublime « Chanson qui ne sait pas » et qui débute par « Je ne suis là que pour moi, ne suis là que pour vous/ le vent ne sait où aller en ces temps sans tempo/ la voix ne sait où porter en ces lieux sans personne/ le feu ne sait où brûler en ces lieux sans écho… »
À la suite de « À contre peur » vient donc « Séduire l’Univers », recueil intemporel qui a patiemment attendu son heure avant que de venir poser son baume réparateur sur notre Monde meurtri. Fidèle à son habitude, André Velter y multiplie les évocations de paysages observés lors de ses voyages, les références taoïstes dont la récurrence est un appel à l’introspection et à la méditation et il multiplie les différentes formes poétiques. Il y mène notamment une expérience fascinante en collaborant avec le compositeur — chercheur au CNRS Jean Schwarz qui produit des tracés sonores, véritables visions graphiques de sons enregistrés et dont André Velter tire des poèmes directement et librement inspirés.

En ces périodes troublées où parfois nous échappe le sens du Monde et les buts poursuivis par ceux qui le peuplent, la poésie est plus que jamais indispensable à nous garder en vie, à ouvrir nos yeux embués, à permettre notre compréhension du grand Tout dont nous formons part. « Séduire l’Univers » précédé de « À contre-peur » fait partie de ces œuvres indispensables et à prescrire en posologie quotidienne à tous ceux qui veulent conserver leur âme de poète.

Alain LLENSE
contact@marenostrum.pm

Velter, André, « Séduire l’univers Précédé de À contre-peur », avec sept tracés sonores de Jean Schwarz et quatre ciels de Marie-Dominique Kessler, Gallimard, « Blanche », 11/03/2021, 1 vol. (211 p.), 25,00€

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