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Antoine de Baecque, Sports Belle Époque : Naissance de la passion sportive, Passés Composés, 01/05/2024, 345 pages, 22,00 €.

À l’heure où les dérives du sport-business touchent la majorité des disciplines et exacerbent les tensions entre hooligans de tous bords, il était judicieux de revenir aux sources de la pratique sportive. De remonter à l’avènement de ce nouvel Olympe comme à la montée en masse de la culture physique pour développer le corps et l’acclimater à l’effort.
 C’est la raison d’être du livre d’Antoine de Baecque, intitulé Sports Belle Epoque, qui situe l’acte inaugural de cette passion sportive entre les années 1870 et 1924.
Pourquoi, précisément, avoir choisi ces dates, interroge l’auteur ? “Parce que de la défaite de 1870 à la victoire de 1918, le sport devient un fait social, une valeur, une croyance, un commerce, une règle, une forme, une culture, bref, le tout d’un temps”.
Avec en toile de fond l’impératif patriotique de la Revanche, tout commence par l’essor de la culture physique. Jules Barthélémy Saint-Hilaire, le rapporteur de la loi à la chambre de 1880, est explicite à cet égard.

Nous savons tous ce que vaut la santé de la vie, soit pour remplir ses devoirs de citoyen, soit d’une manière générale ses devoirs d’homme. Et certainement, il n’est pas de moyen meilleur, plus sûr, plus efficace de constituer une santé solide que d’avoir un corps robuste et sain. C’est précisément le but auquel tend la gymnastique qui n’est pas autre chose que la culture générale du corps. Elle produit sur lui l’effet que l’instruction produit sur l’intelligence et les esprits.

La folie de la marche

L’intérêt de ce besoin d’épanouissement du corps ainsi suscité, le sport va dès lors surprendre par la dimension populaire générée par la dynamique de l’exploit. Au moins pour les disciplines en vogue à l’époque, à savoir, la natation, la boxe, le cyclisme… et la marche.
À l’image des premières épreuves britanniques américaines, l’engouement pour la marche athlétique effectuée entre 12 et 14 km/h de moyenne va envahir l’hexagone avec des parcours de plus en plus délirants.
Des 38 km du Tour de Paris, l’on passera à 496 km pour le Paris-Belfort, jusqu’à 737 km du Toulouse-Paris ! Une démesure qui touchera tout autant les épreuves de natation, des plages de la Côte d’Azur à celles de Normandie avec en point d’orgue le marathon sur la Seine attirant plus de 500 000 spectateurs !
Voilà comment en quelques années d’intervalle, on a transité de l’expression corporelle et la simple pratique au show sportif qui ne se démentira plus. C’est ce que l’auteur explique citant l’analyse de Georges Vigarello dans son livre, La naissance d’un mythe.

Cette émergence sportive fait exister un nouvel Olympe, un espace d’idéalisation et de passion fondée sur les principes compétitif dans le quotidien de nos sociétés… Un panthéon du prestige et du succès, un espace de perfection auquel le public peut d’autant plus adhérer, qu’il y trouve des arbitres, des règlements, des récits, des anecdotes, la vie même.

À cette dynamique sportive, il fallait donner une impulsion universaliste, et c’est au savoir-faire d’un homme protée qu’Antoine de Baecque va développer dans un long chapitre consacré à Pierre de Coubertin. Un homme talentueux, soucieux de promouvoir les Jeux Olympiques dans la veine du modèle d’éducation anglo-saxon qui par-delà sa célèbre devise “Plus vite, plus haut, plus fort !” demeure un être très contesté.

Le rôle prééminent de la presse

Pour lui, le sport est un "instrument utile de disciplinisation des indigènes", car il rend l'Africain "plus maniable et coopératif". Les femmes, en revanche, ne gagneraient rien à participer aux JO : "Une petite Olympiade femelle à côté de la grande Olympiade mâle : où serait l'intérêt ?"

C’est à peu près au moment des premiers Jeux Olympiques d’Athènes en 1896, que l’information relative à l’essor des compétitions sportives va prendre son essor.
En se plaçant des deux côtés de l’épreuve sportive, à la fois chantre de la prouesse humaine et propagatrice de la connaissance des sports, la presse va jouer un rôle primordial.
Après Le Petit Journal et Le Vélo, c’est L’Auto sous la houlette d’Henri Desgranges qui va vite s’imposer comme la référence du quotidien sportif en assurant le compte rendu de chaque événement, puis dans la foulée, l’organisation et le financement.
C’est ainsi qu’en 1903, le prédécesseur de l’Équipe va lancer le premier Tour de France, prémisses de nombreuses autres épreuves populaires. Une initiative qui ne va aller que grandissant et générera une facette plus intellectuelle comme le défini l’auteur.
 “Il faut voir dans cette expérience deux tendances fondamentales : comment, d’une part, se lient le Tour et la nation, et, d’autre part, le Tour et l’écriture.”
Ce sera le début des grandes plumes qui d’Henri Desgranges à Albert Londres jusqu’à celles contemporaines de Pierre Chany et d’Antoine Blondin, vont mettre la geste sportive au diapason de la grande littérature.
Cet aspect évoqué, Antoine de Baecque aborde avec autant d’acuité d’autres volets non moins importants que sont la difficile intégration des femmes dans l’univers sportif et l’invention du supporter. Un processus important du développement de la passion sportive durant les premières années du vingtième siècle qui l’illustre autant qu’il la dévoie.

Tels sont parmi d’autres volets sociologiques et historiques, les divers sujets abordés par Antoine de Baecque qui, à l’heure de l’actuelle Olympiade parisienne, nous font mieux percevoir les données de la passion sportive au temps de ses balbutiements.

Image de Chroniqueur : Michel Bolasell

Chroniqueur : Michel Bolasell

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