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Une quête irrépressible, presque onirique à la recherche d’un caveau dans un vieux quartier du Caire instille, d’emblée, le récit d’une chape surréaliste. Pour planter un tel décor d’intrigue et de souffrance à la recherche d’une inconnue, on pressent que l’auteure s’est toute entière investie dans cette singulière aventure. Et le ton usité comme l’impérieux besoin à en démêler le puzzle sont là pour en attester.
Une démarche intimiste d’autant plus inattendue qu’elle s’articule autour de la découverte d’un livre. Mais en quoi un ouvrage, n’ayant connu en son temps qu’un maigre succès d’estime, – acheté par hasard chez un bouquiniste-, a-t-il pu susciter vingt années plus tard semblable inclination ?
C’est autant que la matrice narrative, la question d’Iman Mersal. Une question centrée autour de cet énigmatique « L’amour et le silence » ouvrage d’une certaine Enayat Zayyat dont l’écriture empreinte de douceur et de mystère ne va cesser d’interroger la romancière égyptienne.
« Il y a une curiosité qui s’empare de nous devant un écrivain surgi de nulle part » avoue Iman Mersal en liminaire du livre, comme pour s’excuser de son indiscrétion. Précaution des plus légitimes tellement ce besoin de suivre Enayat à la trace induit d’imbrications et de secrets. Car, au gré des nombreuses lectures de cet « Amour et le silence », il y a bien plus qu’un roman qui dérange et fascine. C’est tout un pan de la société égyptienne pesante et patriarcale qui s’inscrit en filigrane. Celle-là même qui va statuer illégalement dans la procédure de divorce entraînant les épreuves d’Enayat dont sa meilleure amie, l’actrice Nadia Lufti sera le témoin.
Une amie qui connaissait tout de son passé, avait en sa possession une valise de papiers et de photos qui constitueront le terreau d’éléments à partir desquels Iman Mersal se rapprochera pas à pas de son égérie. Et comment ne pas épouser le charisme d’une jeune femme « à la folle espérance », parlant ainsi d’elle-même à la troisième personne.

Elle a refermé le paradis précoce de l’enfance pour ouvrir trop tôt celle de la jeunesse…
Elle a regardé derrière elle et a vu que la porte s’était refermée, avait même disparu.
Un temps, elle a découvert en elle une force prodigieuse, elle s’est vue comme un chameau qui aurait emmagasiné tous les moments heureux passés, les ruminant doucement au milieu de ce désert hostile. Et puis les provisions se sont épuisées. Les provisions du passé. Elle aurait eu alors besoin de quelque chose de nouveau, mais elle n’a rien trouvé qu’un désespoir aussi jaune que le sable…

Dénouant de la sorte l’écheveau d’un être dont la vulnérabilité n’avait d’égale que la force d’entreprendre, Iman Mersal n’aura de cesse de se questionner. Pour comprendre ce qui avait poussé Enayat à se suicider dans sa vingt-sixième année. Était-ce à cause de la perte de son fils dont le père avait obtenu la garde ? De l’éloignement de Nadia Lufti ou du refus de publication de son éditeur ?
Après maintes et une recherches, Iman Mersal avoue autant sa circonspection que son admiration. Une chose demeure pour celle qui a voulu exhumer la stature d’une si singulière jeune femme : l’empathie éprouvée, pour parler par euphémisme, et sa nécessité d’en faire mémoire pour la montrer en exemple.
En résulte une belle ode à l’écriture comme à l’expression la plus haute de l’amitié. Rien d’étonnant dès lors, à ce que par cet ouvrage, Iman Mersal figure parmi les trois finalistes du prestigieux “Sheikh Zayed Book Award”, Prix Nobel de littérature du Monde Arabe…

Michel BOLASSELL
contact@marenostrum.pm

Mirsal, Iman, « Sur les traces d’Enayat Zayyat », récit traduit de l’arabe par Richard Jacquemond, « Sindbad », « Bibliothèque arabe », 14/04/2021, 1 vol. (272 p.), 22,00€

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