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Lorsqu’un livre, comme celui qui est présenté, traite d’un engagement perdu contre la Perfide Albion, le lecteur serait tenté de faire preuve de la partialité qui caractérise l’amateur de l’épopée napoléonienne qui sommeille en tout Français. Loin de s’offusquer de cette mauvaise foi, le chroniqueur l’assumera avec aplomb.
Depuis plus de deux cents ans, la mémoire collective associe le « coup de Trafalgar » à de multiples clichés. On y verra tour à tour la célèbre colonne de la place du même nom à Londres, au sommet de laquelle trône, nonchalant, le héros maritime de la Navy, borgne et manchot. On retiendra également les conséquences de ce duel, menant à l’abandon de l’invasion de la Grande-Bretagne par l’empereur. D’aucuns voudraient aussi mettre en avant la capacité tactique hors norme de Nelson face à une flotte franco-espagnole désemparée. Rien de tout cela n’est plus faux.
Certes, les Britanniques ont le sens de la gloire, qu’elle soit dans le succès ou dans l’adversité, ce qui n’est plus l’apanage des Français, qui se détestent au point de devoir se justifier après leurs victoires ou leurs échecs. Pour ce qui est de la bataille de Trafalgar, il fallait un écrivain de talent pour tordre le cou aux mythes entourant la plus belle défaite maritime de la France. Mais l’auteur devait être également un homme de mer pour nous mener au fil de l’eau vers la tragédie, consommée avant même le 21 octobre 1805. Cet homme, c’est l’amiral Rémi Monaque.
Avec style et sérieux, il plante le décor de son sujet, n’éludant aucun évènement car, pour apprendre ce pourquoi la confrontation a eu lieu, il faut revenir en arrière dans ces temps troublés, et pour s’imprégner des conséquences fâcheuses qui en résultent, il est besoin d’en connaître en détail les conclusions.
La marine française, fleuron des mers, a été moralement anéantie par les effets de la Révolution française. Les rares officiers n’ayant pas été massacrés ou ayant émigré pour sauver leur peau ont la difficile tâche, sous le consulat, de reconstruire une flotte digne de l’Empire à venir. Nelson a donc beau jeu de remporter des victoires avec des forces expérimentées et largement supérieures en nombre. Face à son arrogance et son dédain de l’ennemi, les Français opposent un honneur digne de leurs grands anciens.
La chance est quelquefois la mère des garces. Si le grand amiral britannique, figure d’un pays qui ne respecte pas les traités de paix, peut se prévaloir d’avoir été mutilé durant les conflits maritimes, comment ose-t-il se comparer à ses adversaires qui, eux, ont donné leur vie pour leur pays ?
À l’aube de l’année fatidique, au cours de laquelle la défaite de Trafalgar sera oubliée au bénéfice de la plus grande des victoires de la France, le 2 décembre 1805 à Austerlitz, le remarquable amiral Latouche-Tréville décède. À défaut de toute autre possibilité, le commandement est confié à l’amiral de Villeneuve qui se dit incapable de prendre une telle responsabilité. Qu’importe ! De manœuvres dilatoires en succès éphémères, il conduit sa flotte et celle des alliés espagnols vers une issue jouée d’avance. Ces derniers, bien que n’étant pas partie prenante dans la guerre qui oppose Français et Britanniques, se comporteront avec une fidélité et un courage qui feraient pâlir d’envie les sujets de sa très Gracieuse Majesté britannique.
Le 21 octobre 1805, constatant l’issue certaine du duel, à un contre deux, Villeneuve fait sortir ses vaisseaux pour le fatal rendez-vous. Nelson, secondé par un brillant Collingwood, manœuvre et prend à partie les navires alliés qui, malgré la terrible canonnade qui les décime, font front comme seuls savent le faire les marins de la « Royale ».
L’histoire retiendra que, vers la fin de l’affrontement, Nelson, à bord du HMS Victory, fera approcher son bâtiment du Redoutable démâté et avec ses ponts encombrés de cadavres. Un courageux fusilier, tapi sur le château, lui tirera la balle assassine qui va l’immortaliser.
Nous préférerons une autre fin, plus réelle. Celle d’un exécrable sentiment de supériorité du glorieux mutilé qui a méprisé les Français au point de négliger de voir que le Redoutable portait pavillon haut et que, malgré les pertes effroyables, il refusait de se rendre.
Rémi Monaque, dans son récit haletant, nous entretiendra des conséquences de ce haut fait d’armes, entre autres sujets sur les conditions effroyables dans lesquelles les prisonniers français ont été traités et sur le destin malheureux de l’amiral de Villeneuve.
Pour parfaire cet ouvrage, à lire à tout prix, une centaine de pages d’annexes aideront le lecteur passionné à comprendre à quel point la bataille de Trafalgar a pu changer le cours de l’histoire.

Renaud MARTINEZ
contact@marenostrum.pm

Monaque, Rémi, « Trafalgar : 21 octobre 1805 », Passés composés, 12/05/2021, 1 vol. (393 p.), 16€

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