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Cet entretien, donné par l’avocate Gisèle Halimi, quelques mois avant son décès à l’âge de 93 ans, apparaît comme le passage de flambeau d’une féministe engagée à destination des jeunes générations…
Gisèle Halimi a déjà eu l’occasion de raconter son enfance dans plusieurs récits comme “Le Lait de l’oranger” (1988) centré sur la figure de son père Édouard ou “Fritna” (1999) évoquant le désamour d’une mère n’ayant jamais caché sa préférence pour ses fils. Dès ses plus jeunes années, dans une famille juive de Tunisie, Gisèle Halimi prend conscience de la “malédiction de naître fille”. Son engagement féministe s’enracine dans le constat précoce d’une injustice criante, celle qui transforme les filles en “inessentielles”, placées dans une position de sujétion par rapport à leurs frères et par la suite à leurs maris. La future avocate revient longuement sur son amour pour les livres et l’école. Son parcours apparaît comme un véritable modèle de méritocratie républicaine. Grâce à sa professeure de français, elle comprend très tôt que, pour une jeune fille issue d’un milieu modeste, c’est de sa réussite scolaire seule que dépendra son émancipation.
Devenue avocate et inscrite au barreau de Tunis, elle doit se faire une place et affronter le paternalisme de ses confrères. Dans le contexte de la Guerre d’Algérie, elle défend les fellaghas et se voit alors considérée comme une traîtresse à la France. Mais ni les insultes, ni les menaces de mort émanant de l’OAS n’entameront sa détermination.
Gisèle Halimi remet en perspective certains dossiers clés de sa carrière comme l’affaire Djamila Boupacha, militante du FLN, victime en prison de tortures et de viol, pour laquelle elle s’engage aux côtés de Simone de Beauvoir, ou encore le procès de Marie-Claire Chevalier, 16 ans, jugée en 1972 pour s’être fait avorter à la suite d’un viol. La reconnaissance pénale du viol, qualifié “d’acte de fascisme ordinaire” et la légalisation de l’avortement se retrouvent au cœur des engagements d’une avocate devenue porte-drapeau de la cause féminine. Signataire du “Manifeste des 343”, elle aidera Simone Veil, dans la rédaction de son projet de loi sur l’IVG, avant de s’engager à son tour en politique, comme députée, après l’arrivée au pouvoir de François Mitterrand.
“Une Farouche Liberté” est aussi une plongée intime dans la vie d’une femme amoureuse. Gisèle Halimi évoque avec beaucoup de tendresse et d’émotion son second mari, Claude Faux, “un féministe”, avec qui elle a partagé sa vie et ses combats pendant près de soixante ans. C’est lui qui l’introduisit auprès de Sartre dont elle fut l’avocate et l’amena à fréquenter le milieu littéraire et artistique de l’époque. Parmi les intimes du couple, Louis Aragon et Elsa Triolet, Pablo Neruda ou encore Guy Bedos, que Gisèle Halimi considérait comme “son petit frère”.
La journaliste du “Monde”, Annick Cojean, à l’origine de cet ouvrage posthume explique que son objectif est de redonner aux femmes trop longtemps oubliées par l’Histoire officielle et son filtre patriarcal, la place qui leur revient. Femme de passions et de convictions, Gisèle Halimi ne fut pas seulement une brillante avocate mais un modèle de pugnacité et d’engagement. Elle occupe, à ce titre, une place de choix dans le panthéon des “femmes inspirantes qui s’inscrivent dans le vacarme du monde pour le transformer”. Elle qui toute sa vie milita pour que les femmes mènent la révolution, ne mérite pas seulement qu’on la cite en exemple. Le plus bel hommage que les nouvelles générations puissent lui rendre reste encore de poursuivre ses combats.

Jean-Philippe GUIRADO
contact@marenostrum.pm

Halimi, Gisèle Cojean, Annick, »Une farouche liberté », Grasset , Document ,19/08/2020″, 1 vol. (157 p.), 14.90€

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