Vincent Haegele, Vienne sous le soleil d’Austerlitz, Passés composés, 24/01/2024, 1 vol. (269 p.), 21€
La littérature napoléonienne regorge de mémoires concernant les batailles de la Révolution et de l’Empire. Elle foisonne également de figures légendaires qui ont forgé cette période tellement riche en évènements et en bouleversements uniques. Elle abonde en témoignages d’acteurs qui ont sillonné les contrées soumises à la plus cruelle des épreuves : la guerre. Cependant, si les descriptions des champs de bataille et des pays traversés font aujourd’hui partie intégrante du panorama bibliographique, peu de lignes s’attardent sur les villes et plus particulièrement sur les capitales, à l’intérieur desquelles tout se joue.
Certes, des cités sont largement pourvues de superlatifs plus ou moins élogieux, plus ou moins grandiloquents. Paris, Berlin, Rome, Madrid ou Moscou font souvent la une des carnets de route et des chroniques. D’autres, par contre, sont souvent passées à l’as de l’histoire. C’est le cas de Vienne. Heureusement, Vincent Haegele se jette à corps perdu dans sa mission : faire connaître à tous la capitale de l’empire austro-hongrois, ville parmi les plus belles du monde.
D’un monarque à l’autre
Il s’en est fallu de pas grand-chose pour que cette ville ne représente rien. De baron à comte, de duc à prince, de roi à empereur, l’Autriche et l’apanage de son Saint Empire ne se sont fixés au bord du Danube que par la volonté de régnants dont les nécessités ou quelquefois les caprices ont permis qu’un petit bourg sans prétention devienne une des capitales du monde.
Marie-Thérèse fixe son choix définitif sur Vienne et fait construire de somptueux palais afin de faire le change avec la sinistre Hoff burg. Son fils Joseph, deuxième du nom lui préfère la Bohème, avec Prague, son joyau. Décédé prématurément, c’est son frère Léopold ceint la couronne impériale et décide d’imposer définitivement Vienne pour y installer la cour. Sa sœur Marie-Antoinette connaîtra la fin tragique que l’on sait.
À la mort de Léopold, François II prend le relais, devenant empereur d’Autriche et roi de Hongrie en 1804. Il s’établit dans le « petit Versailles » viennois, à Schönbrunn. Il ne sait pas qu’un an plus tard, il va subir les foudres de l’aigle. Que voulez-vous, on ne déclare pas la guerre à Napoléon impunément !
Petite ville provinciale ou cité mondiale ?
La petite cité des Habsbourg grandit en même temps que la renommée de ses princes. Lovée sur les méandres du Danube, elle se dote au fur et à mesure des circonstances du trône de l’empire balbutiant. Masures délabrées font voisinage avec les palais de la cour, pressées d’être au plus près de la couronne. De solides remparts l’entourent, qui ont arrêté toutes les invasions, qu’elles soient mongoles, teutoniques ou ottomanes.
Forts de leur sécurité, les habitants se prélassent dans une vie heureuse car tous les conflits dynastiques se déroulent dans les autres villes de l’empire : Prague, Presbourg ou Budapest. Tout ceci n’empêche pas une certaine insécurité de fleurir grâce à l’arrivée incessante des diverses nationalités de l’empire, composées de soudards en mal de dépense suite aux royalties perçus après de nombreuses campagnes militaires. Les petits truands et les accortes demoiselles contribuent à rendre la cité dangereuse après une certaine heure. Dans le même temps, de grands travaux permettent d’aérer l’espace pour que les carrosses baroques puissent mener les ci-devant au théâtre ou au bal.
L’autre empire
Mais voici que François, réceptif aux sirènes de la Perfide Albion et du tsar de toutes les Russies, prend la funeste décision de déclarer la guerre à Napoléon et à son alliée indéfectible, la Bavière. Mauvaise affaire ! La Grande Armée, à marche forcée, entreprend de se rendre en Autriche pour faire rendre gorge à l’impudent.
Après quelques défaites lourdement ressenties, la cour fuit Vienne pour se réfugier où elle le peut. Les Français trouvent place libre et, comme il est d’usage, s’installent dans les fauteuils encore tièdes des vaincus. Dès lors, la cité va connaître ses nouveaux maîtres. Suivant la hiérarchie, les Français occupent qui des palais, qui des maisons bourgeoises. Pour la troupe, les camps sont montés sur les sublimes parcs que compte la ville. Les deux partis attendent avec impatience l’issue de la bataille qui devrait bientôt avoir lieu. Les Viennois sont confiants. En effet, les hommes de Napoléon devront combattre deux armées bien supérieures en nombre. Le 2 décembre 1805 à Austerlitz, l’empereur des Français met tout le monde d’accord en infligeant à ses adversaires une monumentale raclée.
Vienne, ville française
Au-delà de la victoire des grognards de l’empereur, c’est tout le système autrichien qui s’effondre. Infatués par la supériorité de leur race et l’excellence de leur armée, les Viennois tombent de leur piédestal aussi rudement que la main sur l’épaule qui va les mettre à genoux. Les Français ont vaincu et ils vont réagir comme des vainqueurs. Après les pillages en règle, ils mettent en place leur administration. Police, poste, intendance, tout se fait désormais comme l’ont décidé les dominateurs. Regardant le sol lorsqu’ils croisent de fiers hussards qui ont décimé leurs compatriotes au cours de la « bataille des batailles », ils ne sont plus qu’un jouet aux mains pas toujours généreuses de leurs nouveaux maîtres.
Basses vengeances et nouvelle défaite
Durant quatre ans encore, les Viennois, pourtant épargnés par un accord généreux entre Napoléon et François, vont voir les Français se pavaner dans leurs rutilantes tenues. Mijotant cette humiliation, les Autrichiens jetteront de nouveau le gant aux pieds de l’empereur des Français, qui le ramassera volontiers, fondra sur la capitale des Habsbourg pour de nouveau l’occuper, avant d’obtenir une nouvelle victoire à Wagram, en 1809. Vienne devra vivre encore une fois sous l’éclat du soleil de Austerlitz.
Chroniqueur: Renaud Martinez
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