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Depuis 2017, le mouvement #metoo met fréquemment en lumière les violences sexuelles inhérentes à notre société. La récente parution du livre de Camille Kouchner “La Familia grande” (Le Seuil), montre à quel point ce sujet est toujours d’actualité et qu’une forme d’impunité existe encore. Le viol et toutes les violences liées sont profondément ancrés dans notre culture depuis des millénaires. En effet, certains mythes antiques relatent des actes sexuels violents et imposés le plus souvent à des femmes voire à de très jeunes filles. Ainsi dans “Les Métamorphoses” d’Ovide, Jupiter avec la complicité de son fils Mercure, attire le troupeau du roi de Tyr Agénor sur la plage du “pays de Sidon”, où la princesse Europe a “l’habitude de venir jouer avec ses jeunes compagnes”. Là, Jupiter se métamorphose en taureau afin de l’enlever pour la Crète, où elle sera violée par le maître de l’Olympe, puis abandonnée comme épouse au roi Astérion. Le passage ne laisse aucune équivoque en ce qui concerne le caractère violent de la scène et le traumatisme vécu : “La fille est épouvantée et, emportée, elle regarde derrière elle le rivage délaissé.” Ce mythe, parmi d’autres du même acabit, a insidieusement contribué à une tolérance sociale envers ce type de violence et pour longtemps, la femme étant considérée comme la propriété de l’homme.

“Violences sexuelles, En finir avec l’impunité”, écrit par un collectif relevant de champs divers (justice, médecine, éducation, psychologie), se donne pour objectif “d’expliquer le mécanisme des violences sexuelles” afin de mieux informer puis former les “professionnels amenés à rencontrer des victimes”. Sa lecture, facilitée par des chapitres thématiques, déconstruit sans tabou bon nombre de préjugés : sur la notion de consentement, le silence parfois long des victimes, la prostitution (qualifiée de “viol tarifé”) ou encore les mutilations sexuelles. Mais c’est aussi un manuel pratique qui permet de déceler les stratégies des agresseurs, de protéger les victimes notamment par un suivi thérapeutique et de mieux connaître les repères législatifs.

L’ouvrage présente également des chiffres qui nous ramènent à de sombres réalités. Une enquête estime notamment que 93 000 femmes subissent chaque année des viols ou tentatives de viol en France. Cependant, malgré de sensibles avancées dans les textes juridiques notamment en 2012 ou 2018, la grande majorité des affaires liées à ces violences restent classées sans suite (soit seulement 1000 condamnations). De plus, les procédures sont encore très longues et découragent le plus souvent les victimes, qui revivent sans cesse leurs traumatismes.

Ailleurs en Méditerranée, et malgré la “Convention d’Istanbul” sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (2011) signée par 45 pays, les violences et abus sexuels connaissent encore l’impunité. Des migrant(e)s, de tous âges et origines sont violé(e)s pour obtenir le droit de traverser la mer sur des embarcations de fortune, où ils risquent de perdre la vie.

Le chemin est donc encore sinueux pour faire disparaître de notre quotidien les violences sexuelles, mais il est un devoir de chacun(e) d’entre nous de lutter contre ces crimes qui mettent en péril le contrat social.

Marine MOULINS
contact@marenostrum.pm

Sous la direction de Ernestine Ronai et Edouard Durand, préface de François Molins, “Violences sexuelles : en finir avec l’impunité”, Dunod, “Santé Social”, 03/03/2021, 1 vol. (256 p.), 24,90€

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