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Marie-Laure Durand, Visiter nos cachettes, Le Cerf, 05/10/2023, 1 vol. (124 p.), 11€.

Décortiquer le texte biblique pour en définir l’actualité est la quintessence du travail herméneutique. Cette science contemporaine dérivée de l’exégèse qui permet de déterminer tout à la fois le sens littéral de l’Écriture et son sens existentiel. C’est tout le savoir-faire exercé dans cet essai par Marie-Laure Durand.
Dans un premier livre, précédemment publié aux mêmes Éditions du Cerf, cette théologienne avait tiré de la parabole évangélique du Roi déçu de précieux enseignements pour une gouvernance plus juste.
Son deuxième opus au titre énigmatique de Visiter nos cachettes est tout aussi convaincant. La raison d’un tel intitulé peut en effet surprendre prévient l’autrice dans l’incipit de son essai.

Une cachette n’est pas forcément l’endroit le plus réjouissant à visiter. On peut craindre de s’y retrouver enfermé. Les cachettes rappellent parfois de mauvais souvenirs. Et pourtant. J’aimerais vous convaincre que visiter ses cachettes est une des choses les plus pertinentes à faire.

Une profonde réflexion sur la Genèse

Mais plutôt que de recourir à la psychanalyse, Marie-Laure Durand préfère se référer à l’exégèse de l’Écriture et notamment aux premiers chapitres de la Genèse. Ces instants où Adam et Eve en mangeant le fruit de l’arbre font l’expérience de la faute mais également de la liberté qui auront une large répercussion, analyse-t-elle.

Adam et Eve ont bien entendu. Il ne fallait pas… ils pouvaient. En mangeant le fruit de cet arbre, ils bifurquent. Dieu leur donne la possibilité de faire autre chose que ce qui était souhaitable, eux décident de voir ce qu’ils sont capables d’inventer. Et nous, nous les suivons à la trace dans leur tentative d’exister, d’exister par eux-mêmes et devant Dieu. Leur volonté de vivre et de créer, leur cavale, tout nous concerne dans ce récit…

Un chemin de vie entrouvert

J’ai entendu ta voix dans le jardin, j’ai pris peur car j’étais nu et je me suis caché.” Juste après la création d’Eve par Dieu, cet état de nudité n’avait pas d’importance. “Tous deux étaient nus, l’homme et la femme sans se faire mutuellement honte”.
Mais après avoir succombé à la tentation du serpent, tout change radicalement. Et ce n’est pas la seule nudité physique qui est en cause, explicite Marie-Laure Durand.

Se sentir nu, c’est d’abord être sans défense, exposé, fragile vulnérable. Se savoir nu, c’est être incapable de protéger ses faiblesses ou plutôt de se protéger de ses faiblesses, de les faire siennes.

Une fois ce constat effectué, que fera ce premier couple ? Comment va-t-il réagir face à cette première désillusion les concernant au plus intime ? La réponse réside dans la suite du récit et la compréhension qu’il faut en tirer. A savoir, la confection d’un pagne comme moyen de recoudre son existence, de joindre les différentes parties de son soi, telle qu’elle le souligne.

Le vêtement devient le signe explicite qu’il y a bien quelque chose à ne pas montrer de soi. Ou comme le dit Adjani dans sa chanson : mettre des verres fumés / pour montrer ce que je veux cacher.

Les temps forts de ce premier livre biblique chronologiquement décortiqués, l’autrice va ensuite en fournir les clés de la prise de conscience. Car, l’état d’émancipation entrouvert n’est pas pour autant une finitude. Par le “Adam où es-tu ?” le chemin de vie se fait accessible à chacun peut-on lire dans la dernière partie de l’ouvrage.

L’existence devient ainsi un chemin d’incarnation qui consiste à prendre sa vie à bras-le-corps, c’est-à-dire avec sa nudité et à créer son histoire à partir de là… C’est peut-être là que se joue la foi chrétienne, dans le fait que la nudité devienne une chance, une occasion inespérée pour accéder à cette liberté intérieure si difficile à atteindre.

En réponse aux méfaits que constitue le côté pernicieux des diverses cachettes humaines, c’est dire combien leur mise à jour proposée par Marie-Laure Durand peut déboucher sur une aventure spirituelle aussi bénéfique que salvatrice.

Image de Chroniqueur : Michel Bolassell

Chroniqueur : Michel Bolassell

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