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Basset, Lytta, Cet au-delà qui nous fait signe, Albin Michel, 31/08/2022, 1 vol. (281 p.) 19,90€.

Visions de l'au-delà. La Montée des bienheureux vers l'empyrée (1505-1510), par Jérôme Bosch.
Visions de l'au-delà. La Montée des bienheureux vers l'empyrée (1505-1510), par Jérôme Bosch.

Lytta Basset publie un livre qu’elle a retenu longtemps, longtemps désavoué, avant de se résoudre à en partager avec nous le message puissant. J’ai rencontré Lytta à l’occasion d’un entretien qu’elle m’avait accordé pour le Monde des Religions auquel je collaborais. Nous sommes devenus aussitôt amis. Rares sont les êtres au sein desquels les débats spirituels sont à ce point intenses, qui les ébranlent, les malmènent tout entier, les arrachent littéralement de terre. Au lendemain du suicide de son fils Samuel, à 24 ans, les mâchoires de l’étau se sont encore resserrées. Elle avait témoigné de ce drame dévastateur dans un livre qui a fait date, Ce lien qui ne meurt jamais (Albin Michel, 2007), mais sans tout dire, s’interdisant de tout dire. Philosophe et théologienne protestante, autrefois pasteure de l’Église réformée de Genève, elle ne s’était pas sentie autorisée à libérer sa parole et même dans ce temps où la souffrance abat toutes les cloisons, où tout est, à l’intérieur de soi, ruines.
Elle s’en explique dans ce livre qui paraît ces jours, Cet Au-delà qui nous fait signe :

Voilà bien un vieux réflexe de protestante : dans ma tradition, on ne s’adresse pas aux morts, on les prie encore moins ; on les confie à Dieu le jour du service funèbre et ça s’arrête là. Pas étonnant que je rencontre davantage encore de désespoir chez les protestants. J’aurais pu rester otage de la mort de Samuel. M’interdire de m’ouvrir à une relation vivante avec lui et, du coup, ne jamais percevoir la Vie dans laquelle il était entré. Aurais-je seulement réalisé qu’une telle attitude était incompatible avec l’expérience des proches de Jésus, lequel a sans tardé rétabli la relation avec eux, de manière très concrète, dans leur quotidien… Parce que, étant entré dans l’Amour sans limites, il cherchait à le leur faire goûter ?

Elle parle ici des réticences légitimées par son ancrage dans une spiritualité protestante qui invite les vivants à laisser Dieu s’occuper de leurs morts. Elle aurait tout aussi bien pu parler d’une civilisation matérialiste qui s’est détournée de la mort, qui ne sait plus quoi en dire et ne sait plus quoi en faire, qui abandonne ses morts non plus à Dieu mais au néant. Ce livre est salvateur dans ce sens. Quel que soit le niveau de surdité où nous sommes rendus, la mort ne saurait interrompre le dialogue avec ceux que nous aimons, ainsi que Samuel l’a fait comprendre à sa mère d’une si insistante et bouleversante façon. Écrit par cette femme à ce point intègre, ce livre est pour notre monde orphelin de ses morts, orphelin de la mort, d’une merveilleuse importance. Il n’a rien d’une réflexion théologique sur le sujet, non. Il a cheminé plutôt à travers des entrailles, il a été porté jusqu’au jour par des larmes et par la joie que ces larmes ont fait éclore.

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Chroniqueur : Jean-Philippe de Tonnac

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