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Comme le titre l’indique, il ne s’agit pas d’une Histoire de la Guerre d’Algérie, mais – comme le pluriel le laisse entendre – de plusieurs histoires, souvent méconnues. L’auteur rapporte le destin de 23 acteurs de la guerre appartenant aux deux principales composantes.
Par de courts chapitres, il nous restitue une série d’évènements qui ont été si importants dans cette « guerre qui ne disait pas son nom ». Longtemps ces faits sont restés en grande partie méconnus ou mal connus, parce qu’ils se situaient dans une zone d’ombre, dans la clandestinité :

J’ai rencontré acteurs et témoins de la guerre d’Algérie : politiques, combattants, officiers et simples soldats, pieds noirs et nationalistes algériens, partisans et adversaires de l’Algérie française racontent ce qu’ils ont vu, ce qu’ils ont vécu. Et leur parole, bien des décennies après, brûle encore.

On comprend combien les belligérants avaient des motivations profondes et totalement opposées. Les officiers de l’armée française avaient subi une humiliante défaite en Indochine, et ils avaient abandonné les partisans de la France après Diên Biên Phu. Ils ne voulaient pas revivre ce même traumatisme en Algérie. Cela les a poussés en grand nombre dans les bras de l’OAS, comme Hélie Denoix de Saint Marc, Pierre Sergent, le général Salan, le colonel Argoud, Jean Bastien Thiry. D’autres furent partisans de l’Algérie française, mais ils restèrent dans la légalité. Était-il dans la légalité, le commandant Aussaresses, qui a participé aux tortures et aux assassinats des combattants algériens et de leurs complices français, comme Maurice Audin ? Il était couvert par sa hiérarchie et il estimait qu’il ne faisait que son devoir. Il finira sa carrière comme général.
L’histoire du commando « Georges » dont les membres étaient d’anciens fellaghas ralliés à la France, montre la complexité des relations entre les différents protagonistes.
À l’instar du général Bigeard, certains officiers devinrent des légendes dans l’armée. Ils furent des théoriciens reconnus par leurs pairs de la guerre anti subversive.
Lorsque l’axe de la politique changea et qu’il ne s’agissait plus de conserver l’Algérie dans le giron de la France, mais de la conduire vers l’indépendance, vint le temps des barbouzes, semi-maffieux hors du cadre légal, qui menèrent une lutte contre l’OAS.
Dans cette galerie de portraits, certains ont laissé une trace infamante comme le général Katz, surnommé le « boucher d’Oran », parce qu’il portait une lourde responsabilité dans le massacre des Européens à Oran le 5 juillet 1962, en retenant l’armée qui aurait pu tout empêcher.
Côté algérien, l’auteur évoque Mohamed Mechati qui fut l’un des premiers à combattre la France après la Seconde Guerre mondiale et Messali Hadj, l’un des pères du nationalisme algérien ; Yacef Saâdi le poseur de bombes à Alger, capturé par les paras et gracié par le Général de Gaulle.
Des aspects peu glorieux qui restent des taches sur l’histoire de la France, sont rapportés, comme le regroupement des populations dans des camps pour priver les rebelles de ressources, et l’abandon des harkis à leur sinistre sort.
Soulignant la force du lobby des partisans de la colonisation, l’auteur rappelle combien ce pays a marqué – au plus profond d’eux-mêmes – ceux qui furent partie prenante au conflit, allant jusqu’à les faire renoncer à leurs valeurs :

Une historiographie sectaire (…) présente souvent les défenseurs de l’Algérie française comme un ramassis d’anciens vichystes, de collabos et de réactionnaires issus de l’extrême droite la plus haineuse. C’est oublier que parmi ces partisans d’une Algérie fidèle à la France se trouvent de nombreux anciens résistants, des gaullistes fervents et héros de la France libre, des combattants valeureux de l’armée d’Afrique ayant libéré la France du nazisme.

Cet ouvrage ouvre d’excellentes perspectives et c’est le principe de la collection. Didactique, nous avons forcément envie d’en savoir plus sur certains sujets. C’est donc une invitation à la réflexion, et surtout à aller plus loin.

Dominique Lormier, historien, écrivain, membre de l’Institut Jean Moulin et chevalier de la Légion d’honneur, est considéré comme l’un des plus grands spécialistes de la Seconde Guerre mondiale et de la Résistance. Il est l’auteur de plus d’une centaine d’ouvrages, dont Nouvelles histoires extraordinaires de la Résistance et Les Grandes affaires de la Libération aux éditions Alisio.

Lormier, Dominique, Histoires secrètes de la guerre d’Algérie : 60 ans après les accords d’Évian : faits méconnus et récits extraordinaires, Éditions Alisio, 12/01/2022,1 vol. (208 p.), 19,90€

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