Le 25 juillet 1995 à 17 heures, une bombe explose dans la sixième voiture du RER B alors que le train arrive en gare de la station Saint Michel. Huit personnes sont tuées. L’attentat est revendiqué par le GIA, (Groupement Islamique Armé) d’origine algérienne. Dix-sept ans plus tard, Mohammed Merah, jeune toulousain Franco-Algérien de 23 ans assassine trois militaires entre Toulouse et Montauban avant d’abattre quatre personnes, dont trois enfants, devant l’école juive Ozar Hatorah en mars 2012. Bien qu’ayant agi seul, ses actes sont revendiqués par le groupe « Jund al-Khilafah » (Les Soldats du Califat), affilié à Al-Qaïda. Encore quatre ans plus tard, le mardi 26 juillet 2016, le père Jacques Hamel est égorgé dans son église, à Saint-Étienne-du-Rouvray. L’attentat est revendiqué par l’État Islamique, déjà auteur du massacre du Bataclan.
Prima facie, ces trois attaques terroristes, réalisées sur une période de plus de vingt ans, dans trois villes différentes, et revendiquées par diverses organisations, n’ont de commun que l’appellation « islamiste ». La réalité est bien plus complexe. Comme le dépeint avec brio Mohammed Sifaoui, journaliste et essayiste Franco-Algérien, dans son nouvel ouvrage Insécurité Intérieure : terrorisme islamiste, la menace permanente, le fonctionnement du terrorisme islamique est extrêmement complexe. Malgré ses différentes branches, les divers noms qu’il peut prendre, ou encore la multitude de méthodes qu’il peut employer, le terrorisme islamique ne forme qu’un seul et même mouvement. En effet, avec ce mode opératoire, qu’importe le réseau, l’arme, la cible ou le terroriste. Tous les actes réalisés au nom d’Allah font corps en sens. Les doctrines salafistes et wahhabites importent bien plus que l’organisation. Aucun acte n’est isolé. Qu’un attentat soit revendiqué ou non par une organisation terroriste, il fait partie d’un même mouvement islamiste aux mille visages.
Même si DAESH est aujourd’hui, comme le fut hier Al-Qaïda, le label qui représente la menace islamiste majeure, il ne faut pas oublier que, depuis les années 1990, le risque stratégique provient, sur la durée, non pas de telle ou telle organisation, mais de cet islam politique, amalgame de la pensée des Frères Musulmans et de la doctrine salafiste, qui a théorisé le djihadisme pour en faire le substrat idéologique qui nourrit la violence terroriste s’exprimant au nom de l’islam.
L’auteur étudie également les modes d’exécution des organisations terroristes, déconstruisant le mythe du « loup solitaire », qui consiste à déstabiliser les services de renseignement et à faire croire à des actes isolés et ponctuels. Aucun terroriste islamiste n’est un loup solitaire. Tous sont liés, si ce n’est pas à travers une certaine forme de correspondance, alors ils le sont par la croyance. Conduits par les mêmes doctrines salafistes, tous les fanatiques ne font qu’un, représentant la même menace, qu’elle vienne d’Al-Qaida, de l’État d’Islamique, ou autrefois du GIA.
La première caractéristique d’un « loup solitaire » et qu’il appartient non pas à un groupe régional, mais à une mouvance transnationale. Il obéit donc, le plus souvent, à une doctrine qui l’incite à s’en prendre à son propre pays et ainsi à ses compatriotes. Il n’est pas obligé d’être en contact, de façon pyramidale, avec l’organisation dans laquelle il se reconnaît et cela ne l’empêche pas d’appliquer, à distance, ses recommandations.
« Tout d’abord, je tiens à témoigner qu’il n’y a pas de divinité à part Allah et que Mohamed est son messager » furent les premiers mots de Salah Abdeslam lors de son procès en novembre 2021. Celui qui conduisit trois kamikazes devant le stade de France le 13 novembre 2015 ne jure pas son allégeance à une quelconque organisation ou à un leader, bien que son affiliation à l’État Islamique soit évidente. Non, il prête allégeance à Allah et à son prophète. Cette déclaration résume bien l’argument de Mohamed Sifaoui. Le terrorisme islamique est unique, qu’importe la forme ou le nom qu’il prend. Insécurité Intérieure : terrorisme islamiste, la menace permanente est une lecture indispensable pour comprendre le fonctionnement et l’évolution du terrorisme islamique en Belgique et en France. Se basant sur de nombreux exemples et des détails inédits, Mohammed Sifaoui retrace chronologiquement et géographiquement l’histoire du terrorisme islamique moderne, démontant ses engrenages, pour exposer simplement au lecteur les rouages d’une menace familière, et pourtant si difficile à comprendre…
Sifaoui, Mohamed, Insécurité intérieure : terrorisme islamiste, la menace permanente, Éditions Erick Bonnier, 17/03/2022, 1 vol. (240 p.), 20€.
Éliane Bedu
Présidente de Mare Nostrum
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