Ressortez de votre bibliothèque les livres que vous avez lus avec passion traitant de la Grande Guerre. Relisez ces lignes qui vous avaient ému, ces témoignages poignants de héros en pantalon garance, s’élançant au chant de la Marseillaise sur les glacis battus par la mitraille. Revoyez avec tristesse et émotion ces photographies montrant les tranchées noyées, peuplées de cadavres vivants cuirassés de boue et les champs couverts de corps raidis. Souvenez-vous des grandes offensives de Champagne, de la défense héroïque de Verdun, des bombardements effroyables de la Somme et des assauts insensés du Chemin des Dames. Et bien, dans l’ouvrage présenté, rien de tout cela !
Imaginez une contrée grande comme trente fois la France, parsemée de dizaines de milliers d’îles. Découvrez ces noms exotiques, Rabaul, Kwajalein ou Eniwetok, qui vous rappellent peut-être un autre conflit, plus récent. C’est là que vous amène Maxime Reynaud, qui tape très fort dès sa première œuvre.
Depuis la fin du XIXe siècle, l’empire allemand tente par tous les moyens de se tailler une part du gâteau colonial, pré carré de la France et de la Grande Bretagne. Après avoir obtenu quelques possessions en Afrique, il se tourne vers les archipels lointains du Pacifique, miettes d’empire que n’ont voulu ni les dominions britanniques, ni les Français, ni les Pays Bas. Après la guerre franco-allemande de 1870, les tensions s’apaisent entre les adversaires, tous occupés à mettre en coupe réglée une proie de choix : l’empire du Milieu, c’est-à-dire la Chine. Combinant leurs forces, les Occidentaux, les Russes et les Américains obtiennent de larges concessions territoriales dans ce pays en proie à de multiples guerres civiles.
Un autre protagoniste veut être de la fête et tirer au mieux les marrons du feu tout en s’imposant comme l’interlocuteur sur lequel il va falloir désormais compter sur cette partie du monde, c’est le Japon. Ce dernier compte mettre fin aux « Traités inégaux » que lui ont dicté les puissances occidentales en participant à la curée chinoise.
Les Allemands, patiemment, occupent à coups de Marks les archipels des Carolines, des Bismark, des Samoa et autres Mariannes, tandis qu’ils ouvrent des comptoirs commerciaux en Papouasie et surtout dans la concession chinoise de Tsintao. Forts de ces emplacements, ils consolident leurs avoirs par la venue de colons décidés, de troupes, de marins et de spécialistes. Ils font bientôt de ces territoires des secteurs indispensables à leur aire de responsabilité : stations radiophoniques performantes et charbonnages en vue de fournir en combustible leurs flottes civiles et surtout militaires.
Lors de la déclaration de guerre du 3 août 1914, l’empire est prêt à causer des dégâts à ses nouveaux ennemis, à savoir, les Britanniques, les Australiens, les Néo-Zélandais et les Français, en se doutant bien que la lutte sera inégale et probablement perdue d’avance. C’est compter sans la discipline teutonne qui va donner pendant plusieurs mois, voire à certains endroits plusieurs années, du fil à retordre aux Alliés.
Tandis qu’Australiens et Néo-zélandais constituent une force terrestre et navale prête à s’emparer des colonies allemandes, la flotte allemande du Pacifique commence à rôder, tel le requin, autour des points vitaux des Alliés : terminaux du téléphone sous-marin, infrastructures portuaires françaises de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie, routes maritimes commerciales. Les dommages provoqués par leurs actions instillent un sentiment d’insécurité sur toute la zone. C’est le moment que choisit le Japon pour déclarer la guerre aux empires centraux : Allemagne et Autriche-Hongrie, et tend la main aux Alliés, qui s’en seraient bien passés. Les Nippons s’avérant indispensables pour vaincre l’ennemi, Français, Russes et Britanniques acceptent la main tendue avec méfiance, sachant que le pays du Soleil Levant saura tirer tous les avantages de cette nouvelle situation.
Maxime Reynaud, en diplomate qu’il est, nous explique avec sobriété les arcanes des tractations entre les Alliés et le Japon, la duplicité ambiante et le chemin vers la victoire, militaire et diplomatique, des enfants du Mikado. Signataire du traité de Versailles, le Japon obtiendra tout ce qu’il voulait, à savoir la mainmise sur la plupart des possessions allemandes. Lésée, la Chine rentre furieuse de Paris créant un précédent qui se concrétisera des années plus tard par l’écrasement de ce pays. Mais, comme toujours, les États-Unis veulent jouer les gendarmes du monde, ce qui n’a pas lieu de plaire à la fierté des anciens samouraïs. Vingt-trois ans plus tard, cette joute s’achèvera dans les îles Hawaï, à Pearl Harbor.
Renaud MARTINEZ
articles@marenostrum.pm
Reynaud, Maxime, “La Première Guerre mondiale dans le Pacifique : de la colonisation à Pearl Harbor”, Passés composés, 27/10/2021, 1 vol. (381 p.), 23€
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