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André Bonet, Les arbres ne meurent pas en hiver : mémoires de Méditerranée(s), Editions Erick Bonnier, 07/05/2024, 1 vol. (500 p.), 25€

Cher André

Ouvrir Les arbres ne meurent pas en hiver, c’est comme pousser la porte de ton univers, un monde riche et vibrant où la littérature et l’amitié se mêlent avec une intensité rare. Plus qu’un simple recueil de souvenirs, ce livre est un véritable hymne à la culture, un témoignage poignant de ton engagement indéfectible au service des lettres et des hommes.
À travers 40 portraits, tu nous invites à un voyage exceptionnel au cœur de tes 40 années à la tête du Centre Méditerranéen de Littérature (CML). Chaque rencontre, chaque amitié tissée au fil du temps, est retracée avec une sensibilité et une sincérité qui touchent au plus profond. On y découvre des anecdotes savoureuses, des moments de complicité, des réflexions profondes sur la vie, l’art et le monde.
Des premières rencontres avec Charles Trenet, le “fou chantant”, à la découverte d’auteurs comme Claude Simon, Hervé Bazin ou Bernard Clavel, ton parcours est jalonné de figures majeures de la littérature française et internationale. Tu nous fais partager des instants privilégiés avec des personnalités telles que Jean d’Ormesson, Jacqueline de Romilly, Arthur Conte et tant d’autres, révélant leurs facettes humaines et intellectuelles avec une finesse et une profondeur remarquables.
Mais au-delà des portraits, Les arbres ne meurent pas en hiver célèbre la Méditerranée, cet espace de dialogue et de création, berceau de civilisations et carrefour de cultures. À travers les figures de Tahar Djaout, Boualem Sansal, Metin Arditi et tant d’autres, on découvre les défis et les espoirs de cette région du monde, marquée par les conflits, mais aussi par une formidable énergie et une soif de liberté.
Ton engagement pour la littérature, cher André, fut un exemple pour tous ceux qui croient en la force de la culture pour construire un monde plus humain et plus juste.
C’est avec une joie immense et une profonde gratitude que je t’ai suivi durant plus de 30 ans dans ce voyage littéraire et humain, au fil des pages et des portraits, à la découverte d’un univers qui nourrit l’espoir et cultive l’optimisme dont nous avons tous besoin.

Un banquet littéraire aux saveurs multiples

Les arbres ne meurent pas en hiver nous conte l’incroyable épopée d’un jeune homme passionné de littérature, André Bonet, qui, malgré une enfance difficile et l’impossibilité de poursuivre des études de lettres, parvient à offrir aux Perpignanais un florilège extraordinaire de culture. Imaginez un peu le contraste : d’un côté, un adolescent contraint d’abandonner ses études pour subvenir aux besoins de sa famille, confronté à la dureté de la vie ; de l’autre, un jeune homme audacieux et déterminé, créant le Centre Méditerranéen de Littérature et invitant des figures majeures de la scène littéraire et culturelle. À cette époque où la décentralisation culturelle n’en était qu’à ses balbutiements, il fallait oser se lancer dans cette grande aventure méditerranéenne, et André Bonet a eu la chance inestimable de pouvoir compter sur la figure tutélaire d’Henry Bonnier – alors directeur littéraire d’Albin-Michel – qui fut son mentor et qui a  contribué au succès du CML. 
Les arbres ne meurent pas en hiver nous convie à un véritable banquet littéraire, où chaque portrait est un mets délicat, aux saveurs uniques et inoubliables. Imaginez un peu ce festin : Charles Trenet, le “fou chantant”, en amuse-bouche pétillant, fredonnant des airs joyeux à la gare de Perpignan avec un jeune André Bonet, émerveillé par la rencontre avec son idole ; Hervé Bazin, tel un plat de résistance consistant, apportant son soutien et sa précieuse expérience à la création du Prix Méditerranée, le regard malicieux et la plume acérée ; Jean d’Ormesson, en dessert raffiné, distillant des mots doux et des réflexions profondes avec une élégance et une bienveillance qui font de lui l’invité idéal ; Umberto Eco, cuvée millésimée d’un grand cru italien, l’éminent sémioticien, surpris et amusé d’être accueilli à Perpignan par un banquier et un opticien, loin du milieu universitaire auquel il est habitué ; Orhan Pamuk, épicé et courageux, défiant la censure et les menaces de mort pour défendre ses idéaux, écrivain turc au destin hors du commun ; Claude Simon, le “Nobel de Salses”, tel un fromage affiné au caractère bien trempé, partageant avec un brin de malice son amour pour le “concret” et son exigence littéraire ; Bernard Clavel, l’écrivain de la terre et des racines, comme un bon pain chaud, racontant avec émotion ses souvenirs d’enfance et sa vision du monde ; Henry Bonnier, le sage éditeur, en digestif apaisant et réconfortant, transmettant avec bienveillance son expérience et ses valeurs, guide spirituel et ami fidèle. Ce ne sont là que quelques exemples de ce fabuleux menu littéraire qui donne au livre d’André Bonet une saveur unique et une dimension universelle.

Un privilège pour Perpignan et sa région

Les arbres ne meurent pas en hiver nous fait prendre conscience du privilège qu’ont eu les Perpignanais de côtoyer, au fil des années, des personnalités d’exception, grâce à l’engagement et à la passion d’André Bonet.
Imaginez un peu le privilège : Cabu, le célèbre caricaturiste, avec son éternelle coupe au bol et son humour mordant, partageant son regard incisif sur la société ; Charles Aznavour, monument de la chanson française, dédicaçant ses livres et enchantant le public de sa présence ; Albert Cossery, le “Voltaire du Nil”, dandy et philosophe de la paresse, chuchotant ses réflexions sur la vie et le refus de l’ambition ; Arthur Conte, l’écrivain-historien et homme politique, racontant avec passion son amour pour la Catalogne et la France ; Jules Roy, le “barbare” pied-noir, résistant et écrivain engagé, partageant ses souvenirs de la guerre d’Algérie et son admiration pour le Général de Gaulle ; Jacqueline de Romilly, grande helléniste et femme de lettres, alertant sur la “détresse de l’enseignement” et l’importance de la culture ; Hélène Carrère d’Encausse, Secrétaire perpétuel de l’Académie française, passionnée par la Russie, la Méditerranée et l’Amérique latine, défendant avec ardeur la langue française et la transmission du savoir ; Gao Xingjian, Prix Nobel de littérature, partageant son amour pour la peinture et la culture chinoise ; Boutros Boutros-Ghali, ancien Secrétaire général de l’ONU, évoquant son engagement pour la paix et son attachement à la Méditerranée ; Fernand Braudel, le grand historien, révélant sa passion pour la Méditerranée et son admiration pour la culture catalane ; Andrée Chedid, poétesse et romancière, chantant l’amour, l’espoir et la résistance face à la barbarie.
Ce ne sont là que quelques exemples de la chance exceptionnelle qu’ont eu les Perpignanais de rencontrer ces personnalités hors du commun. Leur présence a enrichi la vie culturelle de la ville, témoignant de l’ouverture au monde dont selon Salvador Dali elle était le “centre”, et du dynamisme du Centre Méditerranéen de Littérature.

Un engagement indéfectible : La culture pour l'espoir face au désespoir

Les arbres ne meurent pas en hiver est bien plus qu’un simple hommage à la littérature et à l’amitié. C’est aussi le témoignage de l’engagement indéfectible d’André Bonet pour son combat contre la souffrance qu’ont connue de nombreux intellectuels.
Les portraits de Tahar Djaout, Boualem Sansal et Elie Wiesel illustrent avec force cette dimension de son action. Tahar Djaout, écrivain algérien assassiné par les islamistes, est le symbole de la lutte pour la liberté d’expression et la résistance face à l’obscurantisme. Boualem Sansal, écrivain algérien censuré dans son pays, poursuit ce combat, dénonçant les dérives du pouvoir et de l’islamisme. Elie Wiesel, Prix Nobel de la Paix, survivant de la Shoah, nous rappelle l’importance du devoir de mémoire et de la transmission pour lutter contre l’oubli et l’indifférence.
Dans la conclusion de son livre, André Bonet s’adresse à la jeunesse de France, inquiète et déboussolée, avec un message d’espoir :

Vous les jeunes, n’ayez pas peur ! Regardez, je suis parti de rien, d’une feuille blanche. Mais porté par mes rêves, je suis parvenu à faire de ma vie le plus beau des voyages sur la terre.

Puisse cette jeunesse trouver dans la richesse de notre patrimoine littéraire et artistique les clés pour ne pas sombrer dans l’abattement, mais au contraire s’ouvrir à l’altérité et cultiver la tolérance. Que la culture soit pour elle un ferment d’espoir et de fraternité, un antidote à la tentation du repli sur soi. Qu’elle y puise la force de bâtir un avenir où, pour reprendre les mots de Camus, “au milieu de l’hiver, [elle apprenne] enfin qu’il y a en [elle] un été invincible.”

Au terme de ce beau voyage littéraire et humain que tu nous offres dans Les arbres ne meurent pas en hiver, tous ces souvenirs précieux, je voudrais te dire combien ces années passées à tes côtés, au service de la littérature et du dialogue des cultures, ont compté pour moi.
Ton engagement indéfectible pour créer des ponts entre les peuples et les cultures, restera pour moi un exemple et une inspiration. Tu as su, avec le Centre Méditerranéen de Littérature, créer un espace unique de rencontre et de partage, où les plus grands écrivains et penseurs de notre temps ont pu faire entendre leur voix.
Nos routes ont divergé en juin 2020. J’avais le cœur gros ;  nos perspectives sur l’avenir de la France et de notre Méditerranée n’étaient plus conciliables. Mais je tiens à te dire que je n’oublierai jamais ce que je te dois, ce que tous les amoureux des lettres à Perpignan te doivent.
Les graines que tu as plantées durant toutes ces années continuent leur croissance, prenant racine de différentes manières. Car, comme le titre de ton ouvrage le suggère, même au cœur de l’hiver, la vie perdure en chaque arbre, prête à renaître sous de multiples formes au printemps.

L’auteur cède l’intégralité de ses droits d’auteur à l’AED – Aide à l’Église en Détresse – une fondation pontificale qui soutient les chrétiens partout dans le monde, là où ils sont confrontés aux persécutions et difficultés matérielles. www.aed-france.org

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Chroniqueur : Jean-Jacques Bedu

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