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Qu’est-ce qu’un roman passionnant ? Que fait-il qu’enfants, nous restions éveillés la nuit, une lampe de torche allumée sous la couverture nos yeux rivés sur chaque page ? Par la littérature, nous nous évadions. Nous nous imaginions en Ulysse, en Yseult, ou en Jean Valjean. Des images défilaient frénétiquement devant nos yeux, alors que notre imagination tentait de reconstruire chaque petit détail décrit dans l’intrigue. Si nous ne rêvions pas au héros, nous nous passionnions pour les félons, espérant que nos propres vices se satisfassent à la lecture. En recherche de catharsis, nous offrions notre narcissisme à Dorian Gray, notre luxure à Dom Juan, notre indifférence à Meursault. Mais qu’en est-il des indéfinissables, de ceux qui ne sont ni valeureux ni corrompu ? Ceux qui voient la vie défiler sans vraiment y prendre part. Ceux qui meurent sans avoir rien vu, sans avoir rien vécu. Oscar Wilde ne disait-il pas que vivre est la chose la plus rare du monde, car la plupart ne font qu’exister. Qui se préoccupe de ceux-là, ces oubliés des grands romans ?

Dans son dernier roman traduit de l’Italien, Laura Mancini raconte l’histoire de ceux auxquels il n’arrive rien. Rien pour elle est une ode à la banalité. Rappelant le « roman expérimental » de Zola, l’auteure explore les effets ravageurs du déterminisme social d’une plume tranchante, tout en nous invitant à redécouvrir la beauté du quotidien. Un éclat de rire entre collègue après avoir passé la journée à travailler en cuisine, l’odeur douce et rassurante du savon au lavoir malgré les mains écorchées des lavandières, ou encore le goût amer du premier café de la journée.

Était-il vraiment possible que nous soyons tous contents de ce sauna entre fourneaux, les doigts plongés dans les tripes, le buste enveloppé de tabliers blancs pleins de sang et de gras, les cheveux imprégnés d’huile et la gorge asséchée par le ventilateur ? Ce devait être la quantité exagérée d’arômes et de couleurs qui nous unissait, et le fait d’être ensemble pris dans une histoire toujours différente qui nous persuadait que chaque jour allait suivre une trame spéciale.

Nous ne sommes pas tous nés dans un roman de chevalerie, mais nous ne sommes pas pour autant les Nana de Zola ou les Jean Folantin d’Huysmans. Laura Mancini nous rappelle à l’ordre, nous prouvant que nous sommes tous les héros de nos propres épopées, même si ces dernières ne nous emmènent pas en terre inconnue, combattre des pirates ou sauver des nations entières.

Oui mais à quelle heure t’as dîné ? Et après ? T’as lu un peu ? T’es allée au cinéma ? T’as joué avec ta fille, ou elle dormait déjà quand t’es rentrée ? Et qu’est-ce qu’elle a appris à l’école. Elle est bonne en histoire ? Dis-lui que c’est ça qu’elle doit étudier plus que toutes les autres matières. Je devins curieuse de ma propre vie à travers les questions de Leila, je me mis à chercher les symboles sans craindre que ce soit sentimental, ou trop féminin.

Comme l’héroïne de Rien pour elle, nous devons apprendre à vivre pour chaque moment, aussi simple qu’il soit. Laura Mancini nous prend par surprise, nous nous retrouvons affamés d’ordinaire, touchés par la tendresse, le malheur et la délicatesse du quotidien.

Mancini, Laura, Rien pour elle, traduit de l’italien par Lise Chapuis, Florence Courriol-Seita, Agullo éditions, 24/02/2022, 1 vol. 20,50€

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Chroniqueuse : Éliane Bedu

Présidente de Mare Nostrum

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