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Dans le lointain Extrême-Orient, un chapelet d’îles vit depuis plusieurs siècles l’horreur de la guerre civile. Dans ce Japon fantasmé, les personnages, au patronyme fleurant bon les films de Kurosawa, ne vivent que pour tuer ou être tués. À défaut de ce choix cornélien, il leur reste la possibilité de s’ouvrir le ventre avec panache au cours de cérémonies surannées.
Dans son nouvel ouvrage sur l’empire du soleil levant, Julien Peltier plante le décor d’une civilisation stupéfaite par la mort inattendue de son deuxième unificateur, Toyotomi Hideyoshi. À la veille de son décès, il tente de transmettre son héritage politique et familial à un quintet de seigneurs rompus à la guerre et fins renards diplomatiques.
Après nous avoir captivés au cours d’essentiels chapitres menant au jour fatidique de la plus grande bataille de l’histoire du Japon, l’auteur nous introduit brutalement au cœur même du combat entre les troupes du patient Tokugawa Ieyasu et le turbulent Ishida Mitsunari, le 21 octobre 1600.
Au-delà de l’aspect belliqueux de l’affrontement suprême, au cours duquel les guerriers aux armures rutilantes se massacrent sans beaucoup de finesse, Julien Peltier démonte avec brio les poncifs occidentaux concernant ce pays aux mœurs inconnues. Fidélité à toute épreuve, susceptibilité exacerbée, honneur allant jusqu’à l’ultime sacrifice, se mêlent à l’attentisme prudent et à la félonie librement assumée.
Au soir de la bataille longtemps indécise, Ieyasu met tout le monde d’accord en remportant le duel. Le livre pourrait s’arrêter là mais l’écrivain va plus loin en exposant, avec une rigueur alliée à un style envoûtant, les conséquences de cette victoire, car tout commence à Sekigahara. En effet, la « pax Tokugawa » gagne le pays au terme d’une chasse à l’homme implacable. Fidèle à ses deux prédécesseurs, le futur shogun impose la paix par une série de mesures uniques.
Le vainqueur du conflit va peaufiner le travail commencé par le « taiko » Toyotomi : de l’institution des « castes » à la « chasse aux sabres », il s’affaire à parachever un recensement de la population et un remembrement cadastral d’une rare perfection permettant, sous la responsabilité de ses fidèles vassaux, de pacifier, enfin, le pays. Deux cent cinquante ans de tranquillité vont suivre, dans un isolement quasi-total au cours duquel les Japonais vont atteindre le summum de leur propre perfection.
Les samouraïs, icônes immuables, désormais privés de l’essence même de leur existence, à savoir : faire la guerre, vont se muer en fidèles serviteurs de leurs maîtres, fonctionnaires ou gardes du corps d’un état totalitaire mais pacifié.
La question peut donc se poser : tout commence à Sekigahara ou tout y finit ?

À la lecture de cet opus, le lecteur féru d’histoire du Japon y trouvera enfin l’ouvrage de référence de cette période charnière entre la « Sengoku jidaï » et l’ère « Edo ». Pour le néophyte, nul doute que ce volume, agrémenté d’un indispensable glossaire et de notices des principaux acteurs, lui donnera l’envie d’en savoir plus sur cet évènement essentiel à la compréhension de l’histoire du Japon.

Renaud MARTINEZ
contact@marenostrum.pm

Peltier, Julien, « Sekigahara : la plus grande bataille de samouraïs », Passés composés, 26/08/2020, 1 vol. (285 p.-16 pl.), 22,00€

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