Dal 2006, Gallmeister ci accompagna in un viaggio attraverso gli Stati Uniti con libri che mostrano le molte sfaccettature del suo immenso territorio, tra la natura selvaggia e la civiltà. In occasione del suo 15° anniversario, l’editore con il logo della “zampa di lupo” si apre al resto del mondo traducendo il secondo romanzo di una talentuosa autrice 33enne ambientato nelle Marche.
Come Francesca Manfredi, di cui ho recensito “L’Empire de la poussière” (Robert Laffont, 2021), Giulia Caminito fa parte di una promettente generazione di autori italiani, con una penna tanto singolare quanto decisa. “Un giorno verrà” porta il lettore a Serra de’ Conti, un paese isolato della provincia di Ancona, all’inizio del XX secolo. I protagonisti sono individui con personalità ruvide la cui intimità non è facilmente penetrabile. Le informazioni sono divulgate solo a pezzi, le ombre e le parole non dette rimangono, e solo negli ultimi capitoli si fa luce sui segreti più profondamente sepolti.
Nella famiglia Ceresa, “che ha sempre avuto tanti problemi quanti tutti gli abitanti delle Marche messi insieme”, c’è il nonno anarchico, Giuseppe, con la sua sulfurea reputazione di bombarolo. Se non ha trasmesso le sue convinzioni politiche a suo figlio Luigi, il panettiere del villaggio, ha trovato in Lupo, suo nipote, un degno erede. Quest’ultimo, costantemente scortato da Cane, un lupo addomesticato, sogna solo di rovesciare l’ordine stabilito e far cadere la regalità. L’autrice rivela che l’anarchismo fa parte della sua storia familiare. Per scrivere il romanzo, ha fatto ricerche sul clima sociale in Italia all’inizio del secolo, guardando alla resistenza all’intervento militare in Libia, alla Settimana Rossa di Ancona e ai combattimenti nella prima guerra mondiale.
A fare da contraltare a Lupo il ribelle, c’è Nicola, il fratello minore: “lo chiamavano il bambino di mollica perché era il figlio del fornaio ed era debole, non aveva crosta, se lasciato all’aria aperta sarebbe marcito”. Con un temperamento sognante e continuamente perso nella lettura, la sua fragilità paurosa è in contrasto con il duro ambiente familiare: “inutile in casa, inutile in negozio, è stato scoperto a fare cose strane, come imparare lettere e parole.” La storia sviluppa la relazione asimmetrica ma fusionale tra questi due fratelli, l’agitatore e l’intellettuale, nella cerniera tra l’adolescenza e l’età adulta.
Il romanzo offre anche bellissimi ritratti di donne: Nella, la maggiore della famiglia mandata in convento per motivi misteriosi e il cui nome è diventato quasi un tabù nella famiglia Ceresa, ma soprattutto suor Clara, la badessa della comunità di suore di Serra de’ Conti. Suor Clara, soprannominata La Moretta a causa della sua pelle nera, fu presa dall’Africa e venduta come schiava prima di trovare la salvezza diventando la sposa di Cristo. Questa donna di carattere, appassionata di musica e che non ha paura di imporre le sue opinioni al parroco, Don Agostino, è ispirata alla vita reale di Maria Giuseppina Benvenuti, nata Zeinab Alif in Sudan. Dichiarata venerabile da Papa Benedetto XVI nel 2011 per le sue virtù esemplari, il suo culto continua ancora oggi nelle Marche. Fu durante un viaggio a Serra de’ Conti, nella terra dei suoi antenati, che Giulia Caminito scoprì la sua statua davanti al convento e decise di farne un personaggio centrale del suo romanzo.
Tra i destini apparentemente inconciliabili di Lupo, l’ateo anarchico, e la pia suor Clara, ci sono molte somiglianze. Ognuno a suo modo, essi incarnano una forma di combattività e di ribellione contro l’ordine stabilito, la badessa non esita a opporsi di petto alla sua gerarchia episcopale. Come scrive l’autrice nella postfazione del suo romanzo, si tratta di “due voci così lontane che diventano vicine, due opposti perfetti, due mondi perduti, due nostalgie”.
Depuis 2006, les éditions Gallmeister nous font voyager à travers les États-Unis avec des ouvrages mettant en scène les multiples facettes de son immense territoire, entre nature sauvage et civilisation. À l’occasion de son quinzième anniversaire, la maison au logo en forme de « patte de loup » s’ouvre sur le reste du monde en traduisant le second roman d’une talentueuse autrice de 33 ans qui prend pour cadre la région des Marches, en Italie.
Comme Fransesca Manfredi dont j’avais chroniqué « L’Empire de la Poussière« , Giulia Caminito fait partie d’une prometteuse génération d’autrices italiennes, à la plume aussi singulière qu’affirmée. « Un jour viendra » entraîne le lecteur à Serra de’ Conti, village isolé de la province d’Ancône, au début du XXe siècle. Les protagonistes sont des individus à la personnalité rugueuse dont on ne pénètre pas facilement l’intimité. Les informations ne sont divulguées que par bribes, les zones d’ombre et les non-dits perdurent et il faudra attendre les derniers chapitres pour que la lumière se fasse sur les secrets les plus profondément enfouis.
Dans la famille Ceresa « qui avait toujours cumulé autant de problèmes que tous les habitants des Marches réunis », il y a le grand-père anarchiste, Giuseppe, avec sa réputation sulfureuse de poseur de bombes. S’il n’a pas transmis ses convictions politiques à son fils, Luigi, le boulanger du village, il a en revanche trouvé en Lupo, son petit-fils, un digne héritier. Ce dernier, sans cesse escorté par Chien, un loup apprivoisé, ne rêve que de renverser l’ordre établi et d’abattre la royauté. L’autrice révèle que l’anarchisme s’inscrit dans sa propre histoire familiale. Pour écrire le roman, elle s’est longuement documentée sur le climat social en Italie au début du siècle, revenant sur la résistance à l’intervention militaire en Libye, la Semaine Rouge d’Ancône et les combats de la Première Guerre mondiale.
En contrepoint de Lupo le révolté, il y a Nicola, le plus jeune frère : « on l’appelait l’enfant mie de pain parce qu’il était le fils du boulanger et qu’il était faible, il n’avait pas de croûte, laissé à l’air libre il moisirait ». D’un tempérament rêveur et continuellement perdu dans ses lectures, sa fragilité peureuse détonne dans le rude univers familial : « inutile à la maison, inutile à la boutique, on l’avait découvert en train de se livrer à des activités bizarres, comme apprendre les lettres et les mots ». L’histoire développe la relation asymétrique mais fusionnelle entre ces deux frères, l’agitateur et l’intellectuel, à la charnière entre adolescence et âge adulte.
Le roman offre aussi de très beaux portraits de femmes : Nella, l’aînée de la famille envoyée au couvent pour des raisons mystérieuses et dont le nom est devenu presque tabou chez les Ceresa, mais surtout, Sœur Clara, l’abbesse de la communauté des religieuses de Serra de’ Conti. Celle-ci, surnommée la Moretta, en raison de sa peau noire, est originaire d’Afrique et a été enlevée à sa famille puis vendue comme esclave avant de trouver le salut en devenant l’épouse du Christ. Cette femme de caractère, passionnée par la musique, et ne craignant pas d’imposer ses vues au curé de la paroisse, Don Agostino, s’inspire de la vie bien réelle de Maria Giuseppina Benvenuti, née Zeinab Alif au Soudan. Déclarée vénérable par le pape Benoît XVI en 2011 en raison de ses vertus exemplaires, son culte perdure encore aujourd’hui dans la région des Marches. C’est à l’occasion d’un voyage à Serra de’ Conti, sur les terres de ses ancêtres, que Giulia Caminito a découvert sa statue devant le couvent et a décidé d’en faire un personnage central de son roman.
Entre les destinées a priori irréconciliables de Lupo l’anarchiste athée et de la pieuse Sœur Clara, on retrouve pourtant bien des similitudes. Chacun à leur manière, ils incarnent une forme de combativité et de rébellion contre l’ordre établi, l’abbesse n’hésitant pas à s’opposer frontalement à sa hiérarchie épiscopale. Comme l’écrit l’autrice dans la postface de son roman ce sont « deux voix si éloignées l’une de l’autre qu’elles en deviennent proches, deux parfaits opposés, deux mondes perdus, deux nostalgies ».
Jean-Philippe GUIRADO
contact@marenostrum.pm
Caminito, Giulia, « Un jour viendra », traduit de l’italien par Laura Brignon, Gallmeister, 04/03/2021, 1 vol. (288 p.), 22,60€
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