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Pour son dernier roman l’auteur perpignanais, Michel Bolasell nous mène à nouveau en Argentine. À l’hôtel Palacio, le narrateur venu écrire un livre sur le tango, se verra embarqué dans une aventure qui, après l’avoir ramené dans sa Catalogne natale, le conduira jusqu’au bout du monde.
À travers ce périple inattendu, l’auteur nous transporte dans un tango mouvementé, surprenant, sensuel, nous rappelant que les aventures de la vie sont comme des figures de danse. Quand un tanguero enlace sa danseuse dans l’abrazo, elle ignore où il l’entraîne. Avec confiance et douceur elle se laisse guider, au gré des figures, dans cette marche envoûtante. Ainsi en est-il de ce roman qui commence dans la capitale mouvementée de Buenos Aires pour des raisons que l’on peut comprendre (Étienne s’informe pour son roman) et se termine de façon inattendue aux confins du monde, en terre de feu, après un détour par San Marti d’Empuries, hameau jouxtant les ruines de la cité antique sur les côtes catalanes. Les distances n’ont pas d’importance. Ancien ou moderne, réglé ou improvisé, suggéré ou lascif, le tango est d’abord un “paseo”, une promenade à deux : il requiert toute l’attention à l’autre, cet inconnu qui, par un jeu de regards, devient un peu nous-mêmes. C’est donc bien d’amour qu’il s’agit : le narrateur ne s’y trompe pas.
À Buenos aires, Étienne, suivant les traces de Borges, se perd dans l’Arrabal ou au cabaret Tortini, bercé par le son des bandonéons. Il y rencontre des tangueros célèbres, apprend ce qu’est la “murga”, admire les milongueros, se mêle aux élèves paroliers de l’Academia Nacional del Tango, se lie d’amitié avec Octavio, véritable érudit en la matière. Dans la capitale, tout le monde danse ou fredonne des airs célèbres, les voyous comme les chauffeurs de taxi, les réceptionnistes comme les vieilles femmes. Perpétuel commentaire du quotidien des habitants, de la vie en général, la ville entière vit à contre temps, mêlant la tradition à la nouveauté ; elle suit le rythme, le fameux “compas”. Dans cette atmosphère langoureuse, il est difficile de résister aux appels de l’amour. Or le véritable amour, le seul du narrateur, se trouve loin de cette capitale bruyante, de l’autre côté de l’océan, dans une petite ville catalane. Et les circonstances vont favoriser les retrouvailles.
La deuxième partie nous rappelle que le tango s’est nourri de cultures d’origines diverses. C’est en fuyant la guerre civile espagnole qu’Octavio s’est retrouvé à Buenos Aires, où il est devenu l’ami de Alvaro, le patron de l’hôtel de luxe Le Palacio. Séparé de sa sœur durant de longues années, Octavio souhaite la rejoindre. C’est ainsi que le narrateur accompagne son ami à San Marti d’Empuries, petit village niché au creux d’une baie enchanteresse où le hasard fera des miracles.
Chaque rencontre dans les bas-fonds de la capitale argentine, dans le solaire Ampurdá ou en Terre de Feu, rapproche un peu plus le narrateur de lui-même, de l’essentiel, de son destin. À travers les récits des autochtones descendants des tribus indiennes et ceux des émigrés anglais venus chercher la solitude des grands espaces, c’est à une introspection qu’est convié le lecteur. Rien d’étonnant à ce que cette quête initiatique le mène au jardin d’Eden, à l’origine, à la femme. Comme dans le tango, une minute décisive précède la vraie rencontre. On comprend que le couple s’est séparé trois ans auparavant, un « faux pas » en quelque sorte. Isabelle acceptera-t-elle à nouveau ce cavalier venu la chercher de si loin ? Le suivra-t-elle dans cette nouvelle balade ? Certes, le buste de la femme est étreint, retenu par l’autre, mais les jambes s’expriment. Elle aussi peut se révéler audacieuse en quittant son poste pour la Patagonie ; belle prise de risque au service de l’amour.
Ainsi, le narrateur n’est plus spectateur. Il reçoit une leçon de vie qui l’invite à reprendre son destin en mains et à jouer sa propre partition : sous les traits d’Isabelle, la vie lui offre une deuxième chance. Osera-t-il affronter ses propres limites pour se laisser guider à son tour ?

Marie-José DESCAIRE
article@marenostrum.pm

Bolasell, Michel, “L’hôte du Palacio”, Les Presses littéraires, “Détours romanesques”, 12/04/2021, 1 vol. (238 p.), 17€

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Michel Bolasell est né à Perpignan en 1946. Reporter au SIRPA (Service d’Information et de Relations Publiques des Armées) il a été rédacteur pour les revues TAM et Armées d’Aujourd’hui. Membre du CMIDOM (Centre Militaire d’Information et de Documentation sur l’Outre Mer), il a effectué plusieurs monographies sur les pays de la Corne de l’Afrique : Éthiopie, Somalie et République de Djibouti.
Passé à la vie civile, il est devenu journaliste à Ouest-France de 1975 à 1982 puis à l’Indépendant de Perpignan où il termina sa carrière en qualité de 1er Secrétaire de Rédaction. Chargé de l’information religieuse, il a été parallèlement éditorialiste au Sillon et correspondant de La Croix. Impliqué au démarrage et à l’essor du dialogue interreligieux dans les Pyrénées Orientales, il a publié à cet égard “Cet autre mon frère, préfacé par André Chouraqui et “La spiritualité dans la cité”.
Passionné par l’Argentine, il a écrit plusieurs ouvrages sur le sujet ; un roman “Terminus Ushuaia” et deux essais, “Buenos Aires, cinq siècles d’un mythe réinventé” et “La révolution du tango” tous deux traduits en espagnol. Outre une biographie de Magellan et de F. Mahiout il a récemment publié en collaboration avec André Bonet “Les Insurgés de la pauvreté” et “Jeunes et Saints, un destin fulgurant“.

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