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Mona Azzam, Mi-nuit à Rome, Loreleï, 09/11/2022, 16 €

Avec ses yeux si clairs et ses mèches blondes, on la prendrait pour une fille du nord ! Mais c’est en Afrique, dans la brousse qu’elle est née. Ce sont les vastes espaces et les dunes du Sénégal et de la Côte d’Ivoire qui ont façonné l’imaginaire de la petite-fille qu’animait, déjà, la passion de l’écriture et qui se nourrissait de poésie.
Aujourd’hui elle est professeur à Montpellier, vit à Carnon-Plage, au bord de la Méditerranée qui lui est chère. Elle écrit aussi, beaucoup, travaille tous les genres avec le même enthousiasme, laissant reposer des textes différents pour les reprendre ensuite et les remodeler. Sa dernière œuvre de fiction est Albert Camus, l’espoir du monde, à paraître en ce début d’année 2023 aux éditions d’Avallon.
Ce sont, peut-être, les années passées à étudier et enseigner au Liban, pays meurtri, qui lui ont donné l’acuité du regard qu’elle pose sur la fragilité de l’enfance et la solitude de l’adulte. De la rencontre de ces influences ont jailli des recueils de poèmes et aussi de courts romans Ulysse a dit en 2020, Amine puis Nomades en 2022.
Et à chaque fois, le message que délivre Mona Azzam apparaît comme une évidence, tant son écriture est fluide, harmonieuse, vibrante de poésie et de tendresse dans son apparente simplicité. Pour ses personnages, l’humble gardien de phare, la modeste enseignante de collège, le fils du désert… l’écriture reste la source de tous les possibles, de toutes les espérances. Et ce savoir doit être transmis.

Avec Mi-nuit à Rome, Mona Azzam semble, tout à coup, approcher un autre registre après ces trois romans très fortement marqués du sceau de l’Afrique et où elle veut porter témoignage de la voix des migrants.
Mais ce n’est pas vraiment une surprise, il suffit de fouiller dans ses œuvres multiples : Elle s’est déjà essayée avec une délicate poésie au roman d’amour. En 2017 c’est Sur l’oreiller du sable paru chez L’Harmattan, puis Nous nous sommes tant aimés aux éditions La Trace en 2019.
Curieusement Mi-nuit à Rome, semble reprendre ce dernier roman pour lui donner une inflexion différente. Les très jeunes héros d’une nuit d’étreintes fulgurantes dans l’euphorie du soir du 10 mai 1981 à Paris se nommaient Océane et Emmanuel. Et il suffirait d’un mot pour rompre tout espoir d’un futur qui pourrait s’inscrire dans la routine. Pour l’avoir écrit Océane ne reverrait plus Emmanuel. La suite s’inscrivait dans les souvenirs de l’instant enfui.
Luna et Giacomo, dans Mi-nuit à Rome sont des personnages plus matures, qui se refusent à blesser leurs proches et laisseront au temps celui de dénouer les liens sans que leur passion ne s’éteigne.
Et leurs amours sont nourris par l’éloignement et ce qu’ils ont d’impossible accomplissement dans la durée, comme si, seule, l’absence pouvait en valider la permanence.
Leur passion qu’aurait peut-être usée la banalité du quotidien s’enflamme à chaque rencontre jusqu’à atteindre un paroxysme à Rome alors que semble pouvoir enfin se dessiner un avenir commun.
C’est donc à Rome et non dans le Paris de leur rencontre, enfin réunis, que Luna retrouve le pouvoir des mots pour révéler à Giacomo ce qu’elle lui a si longtemps caché.
Le temps, l’absence, la puissance de l’écriture qui délivre des secrets et apaise les douleurs sont des constantes de l’œuvre de Mona Azzam.

Plus abouti sans doute, dans son déroulement, que Nous nous sommes tant aimés, Mi-nuit à Rome impose pourtant sa part sombre au lecteur.
Elle est annoncée dès la couverture du livre par la noirceur de la nuit romaine au-dessus de la Ville Éternelle, ruisselante de lumière.
Et par un titre où le trait d’union qui restitue au mot minuit son genre féminin, tombé en désuétude, s’impose au regard comme une fracture entre “un avant contraint” et “un après construit”.
Car les personnages de Mona Azzam, écrivaine imprégnée de littérature romantique, sont bien des êtres de chair donc vulnérables, que leurs raisons d’agir nous rendent profondément humains.
En leur accordant tour à tour la parole, elle transforme son texte en un harmonieux chant choral, hymne au bonheur d’aimer, de donner la vie et, par ses choix, de décider librement de son destin.

L’écriture est un absolu, nous dit-elle. Un mot et tout est perdu, un mot et tout est sauvé.”
La grâce de ses mots, l’élégance du phrasé, la richesse de ses références font de chacun de ses “dits” quel qu’en soit le thème, une douce pépite à découvrir.

Chroniqueuse : Christiane Sistac

Chroniqueuse : Christiane Sistac

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