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Entré au printemps 2020 dans la prestigieuse Bibliothèque de la Pléiade, Joseph Kessel nous livre sept contes orientaux aux portes de la Méditerranée.
L’œuvre éclectique de Joseph Kessel, ponctuée de « classiques » ou de monuments du patrimoine comme le « Chant des partisans » – écrit à Londres pendant la Seconde Guerre mondiale avec son neveu, Maurice Druon – réserve quelques chefs-d’œuvre méconnus, à l’instar du « Grand Socco ». Passionné de voyages, l’auteur a souvent pris pour cadre de ses récits des destinations lointaines comme le Kenya du « Lion »(Gallimard, 1958) ou l’Afghanistan des « Cavaliers » (Gallimard, 1967). En 1950, Kessel visite le Maroc pour travailler sur le scénario d’un film de Carol Reed qui n’aboutira pas. De ce voyage toutefois, il imaginera un an plus tard les aventures du jeune Bachir, orphelin et mendiant « deux fois bossu », dont la « voix d’or » captive « une foule dense et profonde » sur la place du souk de Tanger, le grand « socco » éponyme. Entre désert et mer, située sur le détroit de Gibraltar, faisant la jonction entre l’océan Atlantique et la mer Méditerranée, Tanger a, depuis 1925, un statut de ville internationale. Cette particularité se retrouve dans l’ouvrage car il s’agit pour l’auteur de présenter une cité cosmopolite au début des années 1950. Ainsi y rencontre-t-on des Marocains stéréotypés : bédouins, paysans, pêcheurs et marchands… Mais Bachir côtoie également au fil de ses aventures des Européens comme Monsieur Flaherty l’Irlandais, une Tchèque rescapée des camps d’extermination ou encore une riche Américaine.
Kessel aime aussi nous faire déambuler dans les différents lieux de Tanger. Bachir nous guide tour à tour dans le dédale des ruelles de la vieille ville, sur les hauteurs du quartier des riches européens, dans une myriade de cafés, au port et même dans le désert marocain, pour toujours revenir sur la place du Grand Marché. Car « Le Grand Socco » est le point névralgique des récits de Bachir dont il est à la fois narrateur et acteur. Ces contes, inspirés de la tradition orientale, visent à nous édifier sur une multitude de sujets : l’altérité, la souffrance, l’amitié… Mais le thème central est sans doute la liberté, celle qui est chère à Bachir au prix d’une existence d’enfant des rues. Il semble bien aussi que ce soit un vent de liberté qui souffle sur Tanger lorsque le jeune garçon se retrouve pris dans une intrigue orchestrée par des indépendantistes Rifains. Prémonition de l’auteur ? Il n’en reste pas moins qu’en 1956, le Maroc obtient son indépendance, mettant ainsi fin aux protectorats français et espagnol. La zone de Tanger lui est rétrocédée quelques mois plus tard. S’il faut redécouvrir le « Grand Socco », c’est parce que Joseph Kessel excelle dans l’art de peindre une ville méditerranéenne, de la première moitié du XXe siècle, aux mille destins qui s’entrecroisent.

Marine MOULINS
contact@marenostrum.pm

Kessel, Joseph, « Au grand Socco », Gallimard, « L’imaginaire, n° 603 », 07/10/2010, 1 vol. (274 p.), 9,50€.

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