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Le dieu juif est une entité mystérieuse. Il ne se dévoile que rarement, voire partiellement. On ne prononce pas son nom. יהוה n’est pas un dieu que l’on apprend à connaître avec sa foi. (Nous employons cette graphie du nom de Dieu, car le tétragramme divin ne doit pas être prononcé ; c’est pourquoi nous utilisons l’expression exacte de la Torah.) La quête historique et archéologique du peuple juif est très difficile à retracer. Avec “La Forge de Dieu”, Gérard Nissim Amzallag mêle généalogie biblique et archéologie afin de nous offrir une théorie novatrice sur le début du culte de יהוה, et des premiers juifs métallurgistes.
La découverte du site archéologique de Timna est le point de départ de la théorie de Gérard Nissim Amzallag. Benno Rothenberg fut le premier archéologue à faire le lien entre le site métallurgique de Timna et la “Tente du rendez-vous”, sanctuaire décrit dans l’Ancien Testament, et dont la tradition raconte qu’elle aurait été visitée par Moïse. Ce rapprochement nous paraît hasardeux. En effet, l’agriculture est un thème récurrent dans les récits bibliques, contrairement à la métallurgie qui est secondaire. Il est admis que les premiers disciples de יהוה étaient des agriculteurs et non des métallurgistes.
L’émergence parallèle des deux sites dans le temps et dans l’espace est, pour l’auteur, un élément de preuve que la “Tente du rendez-vous” se situerait à Timna. Pour Gérard Nissim Amzallag, la révélation divine se faisait à travers le souffle des fourneaux. Il l’explique à l’aide d’occurrences de champs lexicaux se référant à la métallurgie, et de visions volcaniques dans les récits bibliques.
Même s’il est prouvé que des peuples métallurgistes vivaient dans ces régions désertiques, et vouaient un culte yahviste, comment attester que c’est dans ces mines qu’est né יהוה ? Comment déterminer l’identité de ce peuple de premiers disciples ? Se basant sur des textes bibliques et égyptiens, l’auteur localise la naissance du culte de יהוה entre le mont Séir, la région de Faynan, et celle de Teman, dont le centre est Timna. Les textes égyptiens font mention d’un peuple nomade nommé Shasus. Gérard Nissim Amzallag identifie ce peuple comme les premiers juifs métallurgistes, et s’emploie à le rattacher à la généalogie biblique. Il lie Tubal-Caïn, Jethro, Moïse, et Jacob au site, et en fait le premier sanctuaire yahviste précédant le Temple.
Ayant une véritable importance initiatique, pour l’auteur, la tradition métallurgiste yahviste a servi de support au développement de la théologie juive. Cette dimension métallurgique de Dieu aurait été perdue à la fin des productions de cuivre dans la région, au IXe siècle avant notre ère.
Nonobstant, et sans mettre en doute l’érudition de l’auteur, qui est docteur en études bibliques et dont les travaux ont fait l’objet de nombreuses publications, on ne peut être qu’étonné de la faiblesse de ses sources. L’hypothèse de Gérard Nissim Amzallag repose exclusivement sur des récits bibliques et des traditions mythologiques grecques. Ces mythes et ces croyances ne peuvent – pour l’historien et le théologien – être des sources historiques fiables. L’auteur s’emploie toutefois à légitimer sa théorie en ayant recours à des légendes et à des syllogismes. Après tout, Heinrich Schliemann, sur la seule base du récit d’Homère, nourrissait l’espoir de découvrir la ville de Troie, dont on pensait qu’elle était mythique. Il a fait des découvertes archéologiques majeures, prouvant surtout que l’“Illiade” et l’“Odyssée” n’était pas qu’un simple poème… Souhaitons la même réussite à Gérard Nissim Amzallag.
Bien que “La Forge de Dieu” ne présente pas une théorie convaincante du point de vue historique et archéologique, l’ouvrage demeure séduisant, car il nous invite à étudier l’Ancien Testament sous un nouvel angle : celui de la tradition métallurgiste et des forgerons qénites de l’âge du bronze. Il nous offre également une vision novatrice sur les pratiques et les significations religieuses des premières peuplades juives. C’est là son plus grand mérite.

Éliane BEDU
contact@marenostrum.pm

Amzallag, Gérard Nissim, “La forge de Dieu : aux origines de la Bible”, postface de Étienne Nodet, Cerf, 17/09/2020, Disponible, 1 vol. (299 p.), 22,00€

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