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Nîmes, « Nemausus », est évidemment romaine. J’ai eu la chance d’y faire mon hypokhâgne et ma khâgne, au lycée Daudet, entre l’amphithéâtre (les arènes) et le temple du forum (la Maison carrée), avant de retrouver l’Université de Perpignan Via Domitia. Cette « Via Domitia », initié par le proconsul Cneus Domitius Ahenobarbus dont elle porte le nom, reliait la péninsule italique à la péninsule ibérique, des Alpes aux Pyrénées. Elle était dominée par une cité neuve fondée en – 118, « Narbo Martius ». Contrairement à Nîmes, Narbonne, fille de Rome, se montre discrètement romaine. Or, s’il n’en reste que des vestiges que l’on doit à l’archéologie d’avoir mis à jour depuis plus d’un siècle, entre le Ier siècle avant notre ère et le Ve siècle de notre ère, « Narbonne est une ville capitale. C’est la première colonie romaine hors d’Italie. Son rôle est par conséquent majeur », affirme Jacques Michaud, initiateur du projet de musée et président de la Commission archéologique de Narbonne, dans le très complet guide du nouveau musée consacré à l’antiquité en Occitanie, « Narbo Via », et rédigé par Alexandre Léoty. Des ruines antiques, nous avons l’image romantique du XIXe siècle d’un Goethe ou d’un Stendhal ; moins on en voit, plus l’imagination est frappée, plus on est admiratif et nostalgique de la splendeur et de la grandeur passées de la cité. Plus le cœur s’afflige, plus on souhaiterait en voir davantage.

Architecturalement, le musée s’offre un bâtiment particulièrement soigné et réussi, signé par le britannique Norman Foster. « Narbo Via fait ressurgir de façon majestueuse l’importance du rôle de Narbonne durant la période antique », comment encore Jacques Michaud. Même sous des formes fragmentées, les découvertes archéologiques sur les différents sites de fouille impressionnent. Le musée s’ouvre ainsi sur « un trésor patrimonial », « directement exposé aux yeux des habitants », écrit Alexandre Léoty : la collection lapidaire. Longtemps abrités dans l’église Notre-Dame de Lamourguier, ces blocs de pierre et de marbre étaient assemblés sans ordre. Un mur aujourd’hui les assemble, leur donne de l’ampleur, et évoque la délicatesse et l’habileté des sculpteurs. La photographie d’Arnaud Späni, p. 80-81, donne une idée des dimensions du nouvel agencement de ces reliques d’une splendeur qui, comme pour la lumière des étoiles, brille depuis des temps reculés : 76 mètres de long et 10 mètres de haut ! « Un symbole. Celui d’un monde à découvrir, d’une constellation minérale qui s’épanouit ici à perte de vue », commente justement l’auteur, avant d’ajouter : « La Galerie lapidaire est incontestablement la signature architecturale et muséographique majeure de Narbo Via. » De fait, le visiteur ainsi accueilli est immédiatement plongé dans une autre époque, étonné et ouvert à toutes les surprises, prêt à en apprendre davantage sur la capitale de la Gaule narbonnaise.

Après une partie sur la conception du musée lui-même et la constitution des collections, ce guide reprend les différents espaces consacrés à l’histoire de Narbo Martius. La première salle est en effet consacrée à l’implantation de la ville, « première colonie romaine en Gaule », dans la basse vallée de l’Aude, à proximité immédiate de la Méditerranée. Une carte dynamique, en relief, montre la domination de Narbo Martius sur son territoire. Au regard d’autres villes de cette première Gaule romaine (Nîmes ou Arles), on a du mal à concevoir que Narbonne offrait aux visiteurs une monumentalité évoquée dans la seconde salle. Pourtant, les fouilles dans les cours de l’actuel collège Victor Hugo ont mis à jour les colonnes de ce qui fut vraisemblablement un capitole, « deux fois plus grand que la Maison carrée de Nîmes », dédié « à la triade divine Jupiter, Junon et Minerve ». Alexandre Léoty explique « qu’en l’absence de monument visible, la dimension interprétative de l’archéologie prend ici tout son sens. » La richesse et la finesse des vestiges sortis de terre comme ces belles frises en marbre ou la plaque aux aigles plaident en faveur d’une ville bâtie et ornée sur son modèle romain. Cette richesse se retrouve dans les salles suivantes consacrées au quotidien à Narbo Martius, en particulier dans les fresques retrouvées dans de luxueuses « domus ». Il y a toujours quelque chose d’émouvant dans la contemplation certes fastueuse mais intimes aussi, de toutes ces traces ordinaires. La reconstitution des décors peints de la Maison à Portiques du Clos de la Lombarde est à ce titre particulièrement captivante.

Cette prospérité est évidemment due à la position stratégique de Narbo Martius, « principale entrée maritime de la Gaule. » ; « La ville est en effet située au carrefour de plusieurs routes maritimes – Italie, Espagne, Afrique, Orient – et est positionnée au point le plus court entre la mer et l’océan, via l’axe fluvial Aude-Garonne-Gironde », explique simplement l’auteur. L’ensemble portuaire de Narbonne est gigantesque et un des deux récents documentaires qui lui ont été consacrés (« Narbo Martius, la fille de Rome », diffusé en décembre 2020 sur France 3 et « Narbonne, la seconde Rome » diffusé en juin sur ARTE) n’hésitait pas à affirmer qu’il était le plus grand port romain à l’ouest de Rome et sur cette rive de la Méditerranée. La colonie s’enrichissait ainsi d’un commerce important avec l’ensemble des cités de Mare Nostrum.

Complément riche d’une visite de Narbo Via, pour ne pas dire indispensable à tous les amoureux de l’Antiquité romaine et de notre région, ce guide permet aussi de prendre date et de constater dans dix ans, les évolutions et les enrichissements qu’auront connu le musée au rythme des nouvelles découvertes archéologiques dans la région.

Marc DECOUDUN
articles@marenostrum.pm

En savoir plus : « Narbo Via », Connaissance des arts, « Connaissance des arts, hors-série », n° 922″, 29/04/2021, 1 vol. (42 p.)

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1 Comment

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