Dans les brasiers de la guerre en Syrie, le lecteur suit l’itinéraire tourmenté d’un candide croisé du XXIe siècle.
Actuellement Directeur adjoint des relations extérieures du Louvre, Pierre de Feydeau a d’abord été “la plume” des discours de son Président-Directeur.
On peut penser que dans la personnalité du personnage central et narrateur de la fiction que constitue ce tout premier roman, l’auteur a mis beaucoup de son propre vécu : l’enthousiasme de la jeunesse, son ascendance aristocratique et les contraintes de son éducation traditionnelle, ses voyages au Moyen-Orient, sa foi sincère de chrétien et sa propre hantise de l’islamisme radical qui gagne notre pays.
Mais sa connaissance géopolitique des régions où il entraîne son protagoniste, sa perception des fractures séculaires au nom desquelles se déchire la Syrie, vont bien au-delà de celles dont il dote le naïf Paul de Nantiac.
Plongé au cœur d’une guerre fratricide par son engagement dans les phalanges chrétiennes de Bachar El Hassad avec pour seul viatique son prénom d’apôtre, de vagues convictions d’une mission à accomplir, et pour but véritable la recherche bien hypothétique de Maryam, la jeune melkite qu’il a aimée puis rejetée quelques années auparavant, le jeune enseignant va voir s’effondrer une à une ses illusions.
La guerre est sale par essence et les factions en présence rivalisent de cruauté, chacune au nom de son Dieu, comme en témoignent la découverte des geôles hassadiennes et les deux séquences hallucinantes, “web scénarisées” par les fanatiques de Daesh, dont une ouvre et l’autre clôture le roman dans un espace-temps particulièrement resserré, les derniers mois de la sinistre année 2015, marquée en France, entre autres, par les attentats de “Charlie Hebdo” et du Bataclan.
De l’amour, Paul connaîtra l’étreinte sensuelle et sans passion dans les bras de Jelena, la jeune milicienne mais aussi le fiel de la trahison de l’aimée qui le renverra à la reconnaissance de ses propres responsabilités.
Car ce texte, entièrement écrit à la première personne et au présent de l’indicatif, malgré les nombreuses séquences d’action – et on imagine sans peine le parti que pourrait en tirer un metteur en scène comme Roland Joffé (“Mission”) ou Martin Scorcèse (“Silence”) – est avant tout une longue introspection personnelle au cours de laquelle Paul de Nantiac accède à la connaissance profonde de ce qu’il est réellement, à l’origine de ses faiblesses, et à celle de sa force.
À travers ses épreuves et ses renoncements, en dépit des vacillements ou du reniement de sa foi, dans un parcours qu’on pourrait qualifier de christique, par ses rencontres comme par sa traversée du désert, le jeune enseignant accédera à son Golgotha. “Tout est pardonné donc tout est accompli.”
L’érudition de l’auteur, sa maîtrise de la langue et son style volontiers familier, résolument contemporain, et non dépourvu d’humour font de ce roman, très structuré, parfois construit comme un authentique reportage de guerre, un véritable plaidoyer d’actualité pour la foi en la religion catholique romaine, dans l’ombre de la Croix qui plane sur l’ensemble du texte.
Mais dans les réponses que croit entendre Paul de Nantiac à ses questions ardentes, peut-être le lecteur ne percevra-t-il, lui, aujourd’hui comme hier, dans le fracas des armes que l’assourdissant silence des dieux.
Christiane Sistac
contact@marenostrum.pm
Feydeau, Pierre de, “De poudre, de soufre et d’encens”, Rocher, 07/10/2020, Disponible, 1 vol. (339 p.), 19,90€.
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